Actualités

Calyxt : 19 nouveaux OGM « dans les tuyaux »

Par Eric MEUNIER

Publié le 27/04/2018

Partager

Depuis quelques années, l’arrivée des nouveaux OGM modifie le paysage commercial du secteur des biotechnologies. L’entreprise Calyxt, anciennement Cellectis Plant Science, est devenue un acteur incontournable, bien que son avancée sur le terrain commercial des biotechnologies soit assez discrète. Récemment, cette entreprise a obtenu le feu vert aux États-Unis pour la mise en culture de quelques-unes de ses nouvelles plantes génétiquement modifiées.

Le 20 mars 2018, le ministère de l’Agriculture des États-Unis (USDA) a considéré que le blé génétiquement modifié (GM) par transgenèse mis au point par Calyxt pouvait être commercialisé sans que la mise en culture et le transport ne fassent l’objet de mesures d’encadrement réglementaire [1]. Une étape obligatoire en attendant les réponses des ministères de l’Alimentation (FDA) et de l’Environnement (EPA). Mais ce blé n’était pas le premier blé GM a obtenir un tel feu vert (voir encadré ci-dessous). Et Calyxt n’en était pas à sa première plante génétiquement modifiée.

Calyxt commercialisera-t-elle le premier blé GM ?

Un an et demi plus tôt, en novembre 2016, Calyxt avait déjà reçu de l’USDA une réponse similaire pour un autre blé modifié génétiquement pour tolérer le mildiou [2]. La technique utilisée par Calyxt est la même, à savoir un transgène qui code une protéine, appelée Talen, qui coupe l’ADN. Cette protéine va couper l’ADN du blé de manière à enlever certaines briques du génome (des nucléotides). Et là encore, impossible de savoir quelle séquence génétique a été coupée. Le ministère s’en est remis à la bonne foi de l’entreprise pour conclure qu’aucune modification non intentionnelle n’était présente et qu’aucun transgène ou bout de transgène ne subsistait dans le blé destiné à la commercialisation. Donc que, selon les nouveaux principes qu’il a récemment adoptés, ce blé n’avait pas à être évalué, ni réglementé.

Mais, chose étonnante, le ministère de l’Alimentation (FDA) ne fait état d’aucune demande de Calyxt concernant ces deux blés, ni d’aucune autre plante de Calyxt d’ailleurs. De son côté, le ministère de l’Environnement n’a également été saisi d’aucun dossier par l’entreprise alors même que les plantes incorporant leur propre moyen de « protection » (blé tolérant le mildiou par exemple) doivent passer devant ce ministère. L’utilisation commerciale prévue pour ces blés n’est pas détaillée par Calyxt dans ses lettres au ministères. Mais on peut penser qu’un blé « amélioré » sur le plan nutritif devrait avoir pour destination l’alimentation humaine et/ou animale par exemple. Et donc passer devant la FDA. Interrogée par Inf’OGM, Calyxt ne nous a pas répondu sur ses intentions de soumettre ou non les dossiers de ces plantes génétiquement modifiées à ces deux ministères.

Le blé GM, bilan non exhaustif !


Aucun blé génétiquement modifié par transgenèse n’est commercialisé aujourd’hui dans le monde. Mais certains ont fait l’objet d’essais en champs ou de procédures de demande d’autorisation.

En Espagne, plusieurs demandes d’essais ont été déposées, en 2003, 2004, et 2013. Le dernier en date concerne un blé transgénique tolérant des herbicides à base de glufosinate d’ammonium et censé mieux gérer le stress hydrique (IND-ØØ412-7) : il a été implanté dans la province de Huesca par l’entreprise Iden [3] [4].

Au Royaume-Uni, les universités d’Essex, de Lancaster et le Rothamsted Research ont été autorisés à expérimenter des blés transgéniques à plusieurs reprises (2003, 2011 et 2017).

D’autres blés GM ont également fait l’objet d’une déclaration d’essais en Allemagne (2003, 2004, 2006, 2008 et 2010), en Hongrie (2008), en Italie (2004), en Suisse…

Enfin, l’entreprise Monsanto avait déposé des demandes d’autorisation – demandes qu’elle a ensuite retirées – pour un blé MON71800 aux États-Unis et en Australie. Ce blé avait aussi reçu un feu vert pour être utilisé dans l’alimentation humaine en Colombie et en Nouvelle-Zélande en 2004. Aucune autorisation de mise en culture n’ayant été donnée, ce blé n’a jamais été produit et donc commercialisé. Derniers signes relevés de blé GM : une présence illégale dans certains champs aux États-Unis en 2014 et 2016.

D’autres plantes dans les tiroirs, dont d’autres blés

Le blé n’est pas la seule plante génétiquement modifiée par Calyxt à être passée sur le bureau du ministère étasunien de l’Agriculture pour savoir si sa commercialisation serait encadrée ou non. En tout, cette procédure a concerné 19 plantes sur lesquelles Calyxt travaille aujourd’hui [5]. Si certaines sont en phase de « découverte » pour reprendre la sémantique de l’entreprise, d’autres sont déjà entrées dans les procédures visant à déterminer si leur mise en culture et transport commercial éventuels seraient soumis à encadrement ou non comme le résume le tableau ci-dessous. Depuis 2014, l’USDA a reçu de Calyxt des demandes pour deux pommes de terre à brunissement retardé ou « capacité à être stockée au froid », deux sojas à « sécurité sanitaire améliorée », les deux blés déjà mentionnés et une luzerne avec moins de lignine. Et qui ont toutes obtenu le feu vert du ministère de l’Agriculture puisqu’aucune ne contient de parasite végétal.

Plante Découverte Phase 1 : identification de gène d’intérêt Feu vert du ministère de l’Agriculture Phase 2 : essais en champs Phase 3 : essai de production commerciale
Soja oléique X X X X X
Soja oléique et faible lignine X X X X
Soja à composition protéique modifiée X
Soja tolérant la sécheresse X
Soja à rendement amélioré X
Soja tolérant les herbicides X
Blé à teneur en fibre modifiée X X X X
Blé à teneur en fibre modifiée 2 X
Blé à faible taux de gluten X
Blé tolérant le mildiou X X X X
Blé tolérant des herbicides X X
Pomme de terre à brunissement retardé X X X
Pomme de terre « stockable au froid » X X X X
Pomme de terre à brunissement retardé et « stockable au froid » X
Pomme de terre tolérant le mildiou X
Canola à teneur en huile modifiée X X
Canola tolérant des herbicides X
Luzerne à qualité améliorée X X X
Luzerne tolérant des herbicides X

Source : données compilées par Inf’OGM à partir du site de Calyxt et de l’USDA.

Un même principe, plusieurs plantes GM

La procédure de modification génétique suivie par Calyxt repose sur un même principe : faire exprimer dans des cellules de plantes cultivées in vitro une protéine Talen, qui coupe l’ADN en un endroit ciblé. La coupure va induire la délétion d’un ou plusieurs nucléotides, désactivant en quelque sorte la séquence génétique ciblée. Selon cette séquence, une ou des caractéristiques nouvelles vont apparaître. Les cellules au génome ainsi modifié sont ensuite traitées pour régénérer une plante entière.

Selon les plantes, des différences de matériel ou de techniques peuvent apparaître. Pour la luzerne, il est difficile de comprendre la procédure de modification utilisée car la plupart des informations ont été classées confidentielles par le ministère. Pour le blé, les cellules soumises au traitement sont des embryons immatures, pour les pommes de terre, des protoplastes [6] et pour le soja, des cotylédons [7]. Autre différence importante, l’origine de la protéine Talen. Dans le cas du blé et des sojas, un transgène est inséré dans le génome alors que dans le cas des pommes de terre, c’est une construction circulaire autonome (un plasmide) qui ne s’insère pas dans le génome qui est introduite dans la cellule. Enfin, les blés et sojas transgéniques sont auto-fécondés pour sélectionner les plantes ayant la modification génétique alors que les pommes de terre finissent par « perdre » la construction circulaire. Dans tous les cas, Calyxt déclare au ministère qu’aucune séquence étrangère n’est présente dans le génome des plantes qui seront commercialisées.

Une plante GM de Calyxt commercialisée en 2018 ?

Un des deux sojas est déjà en culture dans les champs étasuniens cette année. L’USDA ayant conclu, comme pour les deux blés, que leur culture et transport commerciaux n’ont pas à être encadrée, Calyxt évoque sur son site que son soja modifié par Talen pour être enrichi en acide oléique est déjà en culture dans le cadre de contrats de mise en culture signés avec 75 agriculteurs du Midwest pour une surface totale de 16 000 acres (6 500 ha) [8]. Des cultures qui devraient servir à produire de l’huile de soja à en croire une conférence de Calyxt mi-mars 2018 [9].

Toutes ces plantes génétiquement modifiées sont actuellement réglementées comme des OGM dans l’Union européenne, y compris celles qui ne contiennent plus l’OGM dont elles sont issues. Ce qui devrait donc les soumettre à la législation OGM avec demande d’autorisation commerciale, évaluation des risques, étiquetage… De son côté, Calyxt espère néanmoins échapper à cet encadrement européen, considérant qu’une éventuelle décision de la Cour de Justice de l’Union européenne déclarant que les produits obtenus par mutagénèse sont exclus du champ d’application de la réglementation OGM fournirait « une bonne base pour les produits obtenus par modification génétique [au sens non transgénique] dans l’Union européenne » [10].

Actualités
Faq
A lire également