n°107 - novembre / décembre 2010

Zones sans OGM : comment font nos voisins européens ?

Par Anne FURET

Publié le 08/11/2010

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Du 16 au 18 septembre 2010, la conférence européenne des régions sans OGM a réuni en Belgique plus de 300 participants, élus, militants, scientifiques, paysans, négociants… Comme chaque année, le rendez-vous est l’occasion d’aborder les principaux enjeux, sur les PGM, de la politique européenne à venir. Et l’occasion de mettre à l’honneur les bonnes pratiques dans les États membres pour construire une Europe sans OGM. Inf’OGM a pu ainsi recueillir des exemples très intéressants de mise en place de Régions sans OGM, comme les cas letton et allemand présentés ici, et analysés ensuite au filtre de la législation française.

Les cas de la Lettonie et de l’Allemagne reposent sur des approches différentes, réglementaire pour le premier, contractuelle pour le second. En France, bien que certaines choses soient possibles [1], créer des zones légalement sans OGM est difficile, du fait de la répartition des compétences entre les collectivités locales et l’administration centrale.

Lettonie : les collectivités interdisent des PGM

En juin 2009, la Lettonie s’est dotée d’une loi très stricte sur les OGM. Sur la base des conclusions du Conseil environnement de décembre 2008, elle permet notamment aux autorités locales ou régionales de mettre en place des zones sans OGM. Sur sa propre proposition ou à la demande d’un de ses administrés, une autorité peut interdire la culture des PGM sur son territoire pendant une durée minimale de cinq ans. L’interdiction doit être précédée d’une procédure d’information du public au cours de laquelle le citoyen peut soumettre des propositions ou des objections. En l’absence d’objection, l’interdiction est adoptée. Si une objection est déposée, l’autorité doit l’étudier, mais in fine, c’est la collectivité qui décide en prenant en compte les principes de « proportionnalité et de développement durable ». Ainsi, à l’heure actuelle, ce sont 77% des autorités locales lettones qui ont interdit la culture des PGM… Soumise à la Commission européenne dans le cadre de la procédure de notification des règles techniques, cette disposition n’a pas encore fait l’objet de remarque.

Allemagne : des zones sans OGM contractuelles

Outre-Rhin, les zones sans OGM se constituent par des accords d’agriculteurs à agriculteurs ou de propriétaires à fermiers. Ainsi, des agriculteurs voisins peuvent conclure des contrats par lesquels ils s’engagent à ne pas cultiver de PGM. En juin 2009, le site http://www.gentechnikfreie-regionen.de [2] recensait 29 000 agriculteurs ainsi engagés, sur plus d’un million d’hectares, soit environ 10% de la surface agricole utile du pays. La moitié de ces contrats engagent également les agriculteurs à ne pas utiliser de PGM dans l’alimentation de leur bétail.

Par ailleurs, en Allemagne, tout propriétaire a, dans certaines limites, la possibilité de décider de l’usage des terres louées. Ainsi, les collectivités locales, ou l’Église (propriétaire privé le plus important en Allemagne avec environ 2% du territoire) peuvent interdire l’utilisation de PGM dans les contrats de bail. 235 communes (Kommunen et Landkreis) sur un total de 11 448 (au 22 juillet 2010) et la quasi-totalité des propriétés de l’Église protestante étaient « sans PGM ». De même, de nombreux propriétaires particuliers ont décidé d’exclure les PGM des baux ruraux, mais aucun recensement ne dénombre ces initiatives.

Pour l’heure, il n’y a pas eu de cas de non-respect de ces différents engagements, mais si cela devait se produire, les règles classiques de la responsabilité contractuelle allemande interviendraient. L’engagement d’un agriculteur à ne pas cultiver de PGM est donc bel et bien un moyen contraignant de limiter leur culture.

France : peut-on s’inspirer de ces initiatives ?

Si l’exemple letton semble difficile à suivre en France du fait des compétences limitées des collectivités locales, serait-il possible de suivre l’exemple allemand ?

Marie-Christine Etelin, avocate spécialisée en droit rural, nous indique d’emblée que « le statut français des baux ruraux est très rigide et protège avant tout la liberté d’exploiter des preneurs du bail ». La liberté de décider du propriétaire français n’est donc pas aussi étendue qu’en Allemagne, et il sera difficile d’inclure expressément une interdiction de l’utilisation des PGM. Il est néanmoins possible de le faire sous certaines conditions et par des moyens détournés.

Tout d’abord, une collectivité locale peut exclure les PGM lors de la signature d’un bail rural en appliquant l’article L.411-27 du Code rural. Ce dernier permet aux personnes morales de droit public d’introduire des clauses environnementales dans le bail, au nombre desquelles la conduite de cultures suivant le cahier des charges de l’agriculture biologique [3]. Prévoir cette condition est donc une manière indirecte d’exclure les PGM.

Et un simple citoyen propriétaire d’un terrain agricole peut-il exclure les OGM de son bail ? Maître Etelin distingue deux situations. Lorsque les terres de l’agriculteur sont situées sur des zones naturelles tels que les parcs naturels, les réserves naturelles régionales ou les zones spéciales de conservation [4], il est possible, comme pour une collectivité, d’exclure les OGM en usant du moyen détourné de l’agriculture biologique. Pour les terrains situés en dehors de ces zones, l’avocate nous indique qu’une telle clause, si elle était attaquée devant les tribunaux, pourrait être annulée. Mais pour elle, « c’est une voie à tenter et à répandre ». Si un grand nombre de bailleurs s’engageaient dans ce sens, cela confirmerait la nécessité de faire évoluer le droit et la jurisprudence.

[1Pour plus de détails : http://www.ogm-et-collectivites-loc… 

[2Site coordonné par plusieurs associations environnementalistes allemandes, il propose des modèles de contrats aux citoyens et aux collectivités (seulement en langue allemande).

[3La même possibilité est offerte à une association agréée de protection de l’environnement, une personne morale agréée « entreprise solidaire », ou à une fondation reconnue d’utilité publique ou à un fonds de dotation.

[4Pour les autres zones, se reporter à l’article L.411-27 C.Rural

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