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UE – Tandis que l’AESA publie les données du maïs NK603, sous forme non exploitable, Séralini remet les siennes à un huissier

Par Eric MEUNIER

Publié le 17/01/2013

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Le 14 janvier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA ou EFSA en anglais) a publié sur son site Internet le dossier de demande d’autorisation déposé par Monsanto en 2005 pour le maïs NK603 [1]. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’une « initiative majeure destinée à faciliter l’accès aux données pour renforcer la transparence dans l’évaluation des risques » selon l’AESA, qui répond ainsi partiellement favorablement à la demande de l’équipe de recherche de Gilles-Eric Séralini. Cette équipe de chercheurs a publié en septembre 2012 un article scientifique faisant état d’impacts du maïs NK603 sur la santé de souris le consommant [2]. Attaqué entre autre sur l’absence des données brutes de ses analyses, G.-E. Séralini avait répondu que ses données seraient rendues publiques lorsque celles de Monsanto ayant conduit à l’autorisation du maïs NK603 et du Roundup auraient elles aussi été rendues publiques.

Une transparence en construction

L’AESA l’affirme elle-même, un travail de réflexion visant à établir « la façon et la mesure dans laquelle les données techniques utilisées dans les évaluations des risques pourraient être mises plus largement à la disposition de la communauté scientifique et des parties intéressées au sens large » reste à faire. Et effectivement, le dossier mis en ligne le 14 janvier 2013 est celui du seul maïs NK603. L’AESA a précisé à Inf’OGM que concernant les autres dossiers, « plus d’informations sur ce qui sera rendu public et quand seront fournies en temps et en heure ». La mise à disposition du dossier du maïs NK603 existait déjà mais seulement sur demande directe à l’AESA. Inf’OGM avait obtenu, fin décembre 2012, ce dossier suite à une demande écrite à l’AESA. Les données sont donc maintenant disponibles par simple téléchargement. Mais, à l’instar du dossier qu’Inf’OGM avait reçu et malgré une demande claire de notre part, celui mis en ligne est disponible sous une forme non exploitable. En effet, toutes les données, y compris les résultats bruts des analyses de toxicologie sur plante entière de Monsanto, sont fournies au format pdf. En novembre 2011, l’Autorité avait répondu à Inf’OGM que « pour chaque dossier la Commission européenne adopte une décision sur la confidentialité sur la base de l’article 30 du règlement (CE) No 1829/2003. L’AESA reçoit généralement un CD ROM avec la version publique du dossier qui contient des documents en PDF dans lesquelles les informations qui ont acceptées par la Commission comme étant confidentielles ont déjà été masquées. C’est cette version qui est donnée au public en conformité avec la législation applicable ». Mais l’AESA validant les dossiers déposés sur la base d’une rigueur scientifique régulièrement clamée, on ne peut croire qu’elle ne dispose pas des données sous forme exploitable pour permettre à ses experts de travailler au mieux. Avec le format pdf rendu public, les scientifiques souhaitant analyser ces données seront, de fait, dans l’obligation de ressaisir chaque donnée à la main dans un logiciel permettant de les analyser (soit près de 900 pages de données), une manipulation qui est par définition potentiellement source d’erreur de saisie et qui pourrait être évitée si l’AESA mettait à disposition les données sous format exploitable comme un tableur. Car faciliter le travail des scientifiques est justement un objectif affiché de la transparence de l’AESA, cette dernière expliquant par la voix de sa directrice, C. Geslain-Lanéelle, que « grâce à ce programme, l’AESA aidera les scientifiques issus de différents domaines d’expertise à développer la recherche de manière à enrichir, en fin de compte, le corpus de documentation scientifique et offrir ainsi de nouvelles perspectives précieuses pouvant être intégrées dans l’évaluation des risques ». L’AESA a promis une réponse à Inf’OGM sur ce paradoxe, réponse dont Inf’OGM fera état dès réception.

Publier n’est pas diffuser

Dans une note accompagnant la mise en ligne du dossier de Monsanto, l’AESA, qui indique avoir préalablement informé Monsanto de la mise en ligne sur son site Internet du dossier du maïs NK603, demande aux internautes de signer un accord relatif aux droits d’auteur. Dans cet accord, l’organisme explique ne pas être propriétaire des droits sur le dossier déposé par l’entreprise. Il est donc de la responsabilité de toute personne ou organisme souhaitant diffuser ce dossier, pourtant librement et légalement obtenu via le site de l’AESA, de contacter Monsanto pour obtenir l’autorisation de l’entreprise. Cela implique-t-il que les chercheurs souhaitant travailler sur base de ces données et publier un article scientifique devront obtenir l’accord de Monsanto pour faire état des données de l’entreprise dans leur article ? L’avenir le dira.

Un autre dossier manque toujours

Le dossier du RoundUp reste lui non public. L’AESA a indiqué à Inf’OGM ne pas l’avoir publié car elle n’a pas ces données, puisque « l’AESA n’a jamais conduit d’évaluation spécifique de la substance active glyphosate, et – dans le contexte d’une telle évaluation – n’a jamais conduit d’évaluation des formulations [commerciales] de cette substance active comme le Roundup ». La balle est donc dans le camp de l’autorité d’évaluation allemande, le Bfr, qui évalue actuellement le glyphosate. Mais pour Gilles-Eric Séralini, interrogé par Inf’OGM, le fait que l’AESA ne dispose pas des données sur le Roundup constitue « une faute professionnelle grave ». D’une part car le Roundup est utilisé sur la grande majorité des PGM aujourd’hui commercialisés dans le monde et que l’AESA a donc rendu ses avis positifs sur des PGM résistantes au Roundup sans évaluer celui-ci et d’autre part, car « cela implique qu’ils ont évalué notre article publié en septembre 2012 sans comparer nos résultats à ceux de Monsanto ! ». Or, c’est notamment pour pouvoir comparer les données de Monsanto avec les leurs que l’équipe de G.-E. Séralini demande la publication des données sur le Roundup.

Des réactions mi-figue, mi-raisin

G.-E. Séralini a pourtant qualifié la démarche de l’AESA de « demi-victoire, première transparence » mais se dit donc être toujours en attente, de la part de l’autorité les ayant, de la publication des données sur le pesticide Roundup [3]. Il a également annoncé avoir remis les données brutes de son expérience à un huissier, conformément à ce qu’il avait déjà expliqué auparavant, attendant que toutes les données (du maïs NK603 et du Roundup) soient rendues publiques. De son côté, l’eurodéputée Michèle Rivasi a réagi en rappelant qu’il « est indispensable que le citoyen puisse avoir accès aux données brutes des études scientifiques » [4].

[3AFP, 15 janvier 2013, « Étude OGM : Séralini se dit prêt à publier ses données, sous condition »

[4Communiqué de presse du 15 janvier 2013

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