n°68 - octobre 2005

OGM, justice et démocratie

Par Thierry Raffin

Publié le 31/10/2005

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Riom, Clermont-Ferrand, Lille, Toulouse, Orléans, Grenoble…et bientôt Versailles : les procès de faucheurs d’OGM se multiplient. En septembre 2005, s’ouvrait, à Toulouse, le procès de neuf faucheurs et le Monde titrait : “le procès de neuf faucheurs s’ouvre alors que le débat public monte”. Mais où est le débat public ?
Tout d’abord, en juillet 2004 à Menville, ils n’étaient pas neuf, mais plusieurs centaines dont 222 ont demandé à comparaître, ce que la Justice a refusé. Le rôle de la justice n’est-il pas de découvrir et sanctionner les coupables ? Neuf “délinquants”, c’est socialement condamnables, 222 inculpés c’est plus compliqué et montrerait trop clairement que ce ne sont pas des individus qui sont condamnés mais des idées.

Dans cette affaire, la Justice n’est plus le simple instrument du Droit. Il ne s’agit pas tant de punir que de faire un exemple pour clore le débat sur les OGM par le rappel que la loi est la loi. Elle identifie à cet effet des têtes d’affiche et les désigne comme des “meneurs”. Or, en assimilant des élus et des représentants syndicaux à des meneurs, la Justice commet d’emblée un déni de démocratie. Les “porte-parole” sont niés et accusés d’imposer leurs représentations et d’induire les actions de “simples” citoyens qui seraient irresponsables et “suiveurs”. En distinguant des “citoyens +” et des “citoyens -”, la Justice ne dévoie-t-elle pas de manière éhontée la démocratie ?
Ce qui dérange, c’est bien que se constitue un mouvement citoyen revendiquant le droit à l’expression sur des sujets de société. La désobéissance civile devient le moyen de revendiquer un débat transparent. Comment s’étonner alors que les palais de Justice deviennent des lieux de débat public ? D’ailleurs, la partie civile dénonce ce “détournement” en rappelant que “la loi est la loi” et que rien ne saurait justifier la spoliation de la propriété privée. C’est vite oublier que l’intérêt général doit toujours primer sur l’intérêt particulier (mais la pensée économique libérale a tendance à nier cette vérité première de l’organisation de la vie sociale). C’est aussi oublier que le Droit n’est jamais l’expression d’une vérité transcendante, fut-elle celle du dieu “Argent”. Le Droit s’est forgé dans l’affrontement des intérêts socio-économiques, et il est ainsi des causes et des débats qui nécessitent que les citoyens puissent s’exprimer dans les tribunaux, dès lors que les autres voies de l’expression sont refusées… Notons à ce titre la suspension, par le préfet, du référendum sur les PGM initié par le Président du Conseil Général du Gers (cf. p.3). Ou la demande par la France à la Commission européenne de ne pas rendre publiques les études de risques sanitaires des OGM (cf. p.2). La culture du secret qui accompagne la culture des OGM et qui met à mal un peu plus la démocratie est bel et bien une réalité politique actuelle…

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