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OGM – UE : La protection de l’environnement, future base légale pour modifier la directive 2001/18 ?

Par Pauline VERRIERE

Publié le 24/01/2012

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Les institutions européennes qui souhaitent adopter un acte juridique doivent justifier que l’objet de cet acte entre bien dans le champ de la compétence européenne. Pour ce faire, il est nécessaire de donner à tout acte une base juridique, c’est-à-dire faire référence dans cet acte, à un article du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) [1].

Ainsi, lorsque la Commission européenne a proposé une modification de la Directive 2001/18, en juillet 2010, elle a justifié cette modification en utilisant l’article 114 du TFUE. Cet article traite du rapprochement des législations dans l’objectif d’assurer le fonctionnement du marché intérieur par la libre circulation des marchandises. Cette proposition de la Commission a ensuite été soumise au Parlement européen, lequel prend l’avis de différentes commissions avant de voter le texte. En l’occurrence, ce sont les Commissions environnement et agriculture qui ont été appelées à se prononcer, compte tenu du sujet sur lequel porte la directive 2001/18.

Corinne Lepage, rapporteure pour la Commission environnement, a proposé une autre base juridique pour cette modification de la directive : l’article 192 du TFUE. Avec cette nouvelle base, l’objectif de la modification de la directive devient la protection de l’environnement, et non plus le fonctionnement du marché intérieur.

L’un ou l’autre article : qu’est ce que cela change ?

Les deux articles donnent tous les deux un objectif différent au texte, selon la base retenue :

- article 114 : assurer le bon fonctionnement du marché ;

- article 192 : protection de l’environnement.

Ils précisent également selon quelles modalités doit être adopté un texte selon la base qu’il retient :

- article 114 : procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social ;

- article 192 : procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des Régions.

La réelle différence entre ces deux bases légales réside dans la possibilité, pour les États membres, de prendre des mesures plus contraignantes que celles adoptées au niveau européen.

L’article 114 oeuvre pour un rapprochement des législations, il est donc plus difficile pour un État membre d’y déroger. L’alinéa 5 de l’article 114 précise qu’une telle mesure doit être basée sur des « preuves scientifiques nouvelles », lesquelles seront examinées par la Commission qui pourra les approuver ou les rejeter. Leur marge de manœuvre est donc très limitée.

Au contraire, les actes adoptés sur la base de l’article 192 « ne font pas obstacle au maintien et à l’établissement, par chaque État membres, de mesures de protection renforcées » (article 193 du TFUE).

Plus concrètement, l’objectif de la modification de la directive, qui est de donner plus de liberté aux États membres afin d’interdire un OGM autorisé au niveau européen, sera beaucoup plus facile à mettre en œuvre si c’est l’article 192 qui est retenu comme base légale. Cette question, un peu rébarbative, pourrait sembler être une simple joute entre juristes. Elle présente en fait un réel enjeu.

L’avis de la Commission des affaires juridiques

Suite à la proposition de Corinne Lepage de retenir une nouvelle base juridique, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen a été automatiquement saisie pour avis.

Elle s’est prononcé le 29 mars 2011 sur cette question [2].

La Commission des affaires juridiques rappelle tout d’abord que « le choix de la base juridique d’un acte ne dépend pas de la conviction de l’institution concernée quant à l’objectif poursuivi mais doit « se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel », parmi lesquels figurent, notamment, le but et le contenu de l’acte ».

De prime abord, la base juridique proposée par la Commission européenne lui semble adaptée car l’objet de la modification de la directive, telle que proposée par la Commission, consiste à permettre aux États membres d’invoquer d’autres motifs que ceux qui concernent l’évaluation scientifique des risques environnementaux et sanitaires pour interdire sur tout ou partie de leur territoire la culture d’OGM. Cette proposition ne vise donc pas les objectifs de l’article 191 qui permettent de mettre en œuvre l’article 192 : à savoir protection de l’environnement, préservation de la santé des personnes…

Mais dans un second temps, la Commission des affaires juridiques envisage le projet de modification de la directive au regard des amendements apportés par la Commission environnement. Or l’éventail des motifs utilisables par les États membres se trouve considérablement élargi, incluant des motifs environnementaux. Ainsi, la Commission des affaires juridiques conclut : « Compte tenu du fait que les arguments contre la culture des OGM sont résolument fondés sur des motifs liés à l’environnement, la base juridique appropriée de la proposition telle qu’amendée par la rapporteure devrait être l’article 192, paragraphe 1, du traité FUE ».

La Commission des affaires juridiques a donc décidé de recommander l’article 192 du TFUE comme base légale pour la modification de la directive 2001/18.

Et c’est effectivement cette base légale (l’article 192), qui a été votée par le Parlement européen, en première lecture, le 5 juillet 2011 [3]. Mais au 24 janvier 2012, le vote du Conseil des ministres de l’environnement de l’UE n’est toujours pas intervenu.

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