Actualités

International : les chiffres trompeurs de l’ISAAA sur les OGM

Par Christophe NOISETTE

Publié le 07/03/2011

Partager

On en a marre de lire et de commenter le rapport de l’Isaaa, un organisme de promotion des plantes génétiquement modifiées (PGM) dans les pays du Sud… On en a marre, mais bon, on se doit de le faire car comme tous les ans, ce rapport s’amuse à manipuler allégrement les chiffres, à sortir des additions fallacieuses de son chapeau, afin de « prouver » que les PGM correspondent à un besoin fondamental… La réalité des PGM actuellement est bien loin du tableau naïf et enthousiaste que nous brosse l’Isaaa…

Concrètement, l’Isaaa annonce une augmentation de 10% des surfaces cultivées avec des PGM dans le monde, surfaces passant ainsi de 134 millions d’hectares en 2009 à 148 millions d’hectares en 2010. Cette augmentation masque des réalités diverses et des évolutions hétérogènes.

Stabilité, diminution et quelques rares échappées

Le constat principal, qui ne date pas d’hier, est une certaine continuité de la problématique des « plantes biotechnologiques » comme l’Isaaa se plaît à appeler les PGM. 

Ce sont toujours les mêmes pays qui cumulent le plus de surface : les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine et le Canada cultivent plus de 83% des PGM mondiales… Si on élargit un peu le spectre, on découvre que sur les 29 pays recensés par l’Isaaa, dix d’entre eux représentent 98% des surfaces mondiales… Ce qui laisse donc 2% pour les 19 autres pays. Les mettre en avant comme le fait le rapport de l’Isaaa, sans être délibérément mensonger, est pour le moins cavalier. Notons que l’unité prise par l’Isaaa est le « million d’hectares ». Ainsi, on apprend que l’Allemagne, par exemple, a cultivé « <0,1 million d’hectares ». Mathématiquement parlant, c’est incontestable… Or il s’agit, précisément de 28 hectares, soit 0,000028 million d’hectares. Les chiffres précis ne sont jamais mentionnés dans les rapports de l’Isaaa.

Autre stabilité, souvent évoquée et encore aujourd’hui vérifiée : quatre plantes – soja, maïs, coton et colza – et deux caractéristiques génétiques – tolérance à un herbicide et production d’un insecticide – occupent la quasi totalité des surfaces consacrées aux PGM. En tête des PGM : le soja tolérant aux herbicides… Un soja qui sert essentiellement à nourrir le bétail des pays occidentaux, qui participe activement à la déforestation, à l’apparition des plantes adventices résistantes aux herbicides, à l’érosion des sols, à la paupérisation d’une certaine paysannerie… Une plante totalement incompatible avec les objectifs internationaux de luttes contre la faim et contre le changement climatique.

Le rapport omet de mettre en relief deux phénomènes marquants de l’année 2010 en matière de surfaces consacrées aux OGM : cette surface a diminué dans l’Union européenne (tendance déjà présente dès 2008) et elle a aussi diminué en Chine. Au contraire, sans détails et précisions, on peut lire que « des sondages confirment que près de 100% des agriculteurs ont décidé de continuer de cultiver des plantes biotech, après les premières expériences du fait des bénéfices qu’elles leur offrent »… On aimerait en savoir plus… Et le flou autour de ce « près de 100% » n’est pas pour nous rassurer sur le sérieux de cette information.

Pour l’Union européenne, non seulement les surfaces ont diminué, mais les pays sont de plus en plus réticents face aux cultures transgéniques. Pour preuve : sept moratoires nationaux sur le maïs Mon810, et trois moratoires sur la pomme de terre Amflora, sans parler des nombreuses plaintes (La Hongrie, soutenue par le Luxembourg, l’Autriche, la France et la Pologne, a déposé une plainte contre l’autorisation d’Amflora en mai 2010) et procédures (comme l’initiative du département du Gers, largement soutenue par les Régions françaises) engagées contre les décisions de la Commission européenne.

Pour la Chine, non seulement la diminution n’est pas précisée, mais l’Isaaa soutient que plus de dix millions de paysans en Chine ont bénéficié des avantages technologiques du coton Bt sans l’avoir cultivé. C’est un argument qu’on retrouve de plus en plus dans la littérature qui défend les PGM : les plantes GM sont bénéfiques même aux agriculteurs qui n’en cultivent pas, car l’insecticide Bt diminue les parasites, sur une zone plus large que celle stricte des cultures transgéniques. Une étude [1] annonce, au contraire, qu’« il a été « rapporté un faible impact du coton Bt en termes de réduction du nombre de traitements chimiques et de gain de rentabilité. […] Il y aurait ainsi un paradoxe, jamais signalé, d’une large adoption du coton Bt dans la Vallée du Fleuve Yangtsé en dépit de faibles avantages spécifiques ». Plus précisément, les chercheurs expliquent que « tous les paysans qui ont répondu à leur enquête ont eu à traiter contre les chenilles de Helicoverpa armigera, censées être tuées par la toxine Bt, entre une à huit fois, avec une moyenne de 4,1 traitements ».

Ensuite, il faut reconnaître deux percées en matière de surfaces : le Pakistan a autorisé la culture du coton Bt, fin 2009 et en 2010, 3,4 millions d’hectares seraient cultivés. De même, au Burkina Faso, la sole de coton est devenue, en 2010, majoritairement transgénique.

Une présentation qui en dit long

L’Isaaa utilise des artifices : les hectares cumulés et « les hectares par caractéristique génétique », notions introduites depuis plusieurs années dans les rapports de l’Isaaa afin de donner plus de force à sa démonstration en faveur des PGM. Le rapport, fidèle à sa politique manipulatrice, annonce que le milliard d’hectares cumulés depuis 15 ans a été franchi en 2010. L’Isaaa compare alors ce chiffre qui ne veut rien dire avec des éléments qui ne permettent pas de conclure quoique ce soit… Ainsi, elle écrit « ce qui est équivalent à plus de 100% de la surface totale agricole des Etats-Unis ou de la Chine ». Que pouvons-nous en conclure ? Si on accepte de jouer avec ces chiffres, étant donné que l’agriculture est née il y a environ 10 000 ans, la surface cumulée agricole sans OGM ridiculise ce petit milliard d’hectares péniblement atteint, à grand renfort de publicité, de contrebande, de conflit d’intérêt, et parfois de corruption [2]

Quant aux « hectares par caractéristique génétique », l’Isaaa considère que si je cultive un hectare de maïs Mon810xMon863, je cultive deux hectares équivalent caractère génétique… Et pour justifier cette entourloupe magistrale, l’Isaaa fait une comparaison avec les kilomètres non par vol mais par passagers transportés… Ainsi un Boeing qui transporte 200 personnes voit son trajet kilométrique multiplier par 200…. Une façon pour l’aviation de réduire son empreinte écologique et pour l’Isaaa d’augmenter son empreinte transgénique !

Actualités
Faq
A lire également