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Les experts européens choisissent d’ignorer un problème qu’eux-mêmes jugent important

Par Eric MEUNIER

Publié le 15/05/2012, modifié le 01/12/2023

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L’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), en réponse à un mandat de la Commission européenne, vient de reconnaître qu’un phénomène biologique représentait un problème « d’importance générale concernant les impacts sanitaires de l’alimentation humaine et animale » mais qu’il ne fera pas l’objet d’une évaluation avant autorisation pour les plantes transgéniques.

En 2011, le Pr. Zhang de l’Université de Nanjing (Chine) publiait un article montrant que les petits acides ribonucléiques, appelées ARN micro (ARNmi, ou miRNA en anglais, molécules remplissant une fonction importante

de régulateur dans les cellules et intervenant dans la synthèse de

protéines) provenant de la nourriture peuvent interférer avec le fonctionnement génétique d’animaux et d’humains ayant ingéré ces aliments, même cuits [1].

Réagissant à cette publication scientifique, l’eurodéputée Sandrine Bélier interrogeait en décembre 2011 la Commission européenne en lui demandant précisément « comment la Commission [allait] prendre en compte l’évaluation des effets des miARN produits par des plantes génétiquement modifiées (PGM) […], mais aussi au cas où l’expression des miARN serait perturbée par la transgenèse » [2]. Car en effet, les résultats de cette publication amènent à s’interroger sur la manière dont les perturbations métaboliques éventuelles vont être évaluées dans le cas des plantes transgéniques dont la modification pourrait modifier l’expression d’ARNmi, particulièrement dans le cas des plantes transgéniques modifiées pour exprimer des ARNmi (comme la vigne transgénique de Colmar ou le haricot en cours d’autorisation au Brésil). Dans sa réponse faite en janvier 2012, la Commission européenne informait l’eurodéputée qu’elle mandatait l’AESA pour répondre à sa question. Mais bien que l’AESA ait publié sa réponse en mars, la Commission n’a pas encore réagi officiellement, comme nous l’a confirmé le bureau de Sandrine Bélier.

Un problème non évalué

Dans sa réponse [3], l’AESA reconnaît bien qu’il s’agit d’un problème « d’importance générale concernant les impacts sanitaires de l’alimentation humaine et animale », concernant donc aussi bien les plantes telles que nous les consommons depuis des millénaires (mais pour lesquelles nous disposons d’un recul d’utilisation et avec lesquelles nous avons co-évolué) que les plantes transgéniques telles que commercialisées depuis la fin des années 90 et les plantes qui seront modifiées par de nouvelles techniques de biotechnologie. Mais paradoxalement, la Commission explique qu’elle limitera volontairement l’évaluation des risques associés à ces ARNmi « aux plantes GM dont les modifications d’expression de gènes auront été obtenues par utilisation d’ARNmi », ignorant ainsi toutes les autres plantes génétiquement modifiées ! L’AESA s’empresse d’ajouter qu’aucune plante modifiée pour exprimer des ARN régulateurs n’est actuellement en cours d’instruction…

Pour rappel, Inf’OGM rapportait fin 2011 [4] cette publication scientifique en expliquant que « après avoir détecté ces molécules dans le lait, le sérum sanguin (la partie « liquide » du sang) et des tissus de différents mammifères, les scientifiques ont établi que ces ARNmi ingérés par le biais de l’alimentation n’étaient pas totalement détruits par la digestion [et que, par exemple, l’ARNmi MIR168a] est actif chez la souris en inhibant l’expression de certaines protéines. Pour les chercheurs, ces résultats démontrent que “des ARNmi végétaux présents dans des aliments peuvent réguler l’expression de gènes cibles chez les mammifères” ».

L’AESA fait donc clairement le choix paradoxal de reconnaître qu’un point d’importance générale, s’appliquant donc à tous les types de plantes GM, ne sera évalué que pour certaines d’entre elles ! Reste, en plus, à savoir comment, car elle ne répond pas sur ce point.

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