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INDE – Un moratoire illimité sur les essais d’OGM en champs ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 29/07/2013

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En octobre 2012, un comité d’experts, constitué à la demande de la Cour suprême, recommandait la mise en place d’un moratoire de dix ans sur les essais en champs de plantes génétiquement modifiées (PGM) pour se donner le temps d’élaborer des lignes directrices pour bien gérer ces essais. Neuf mois plus tard, ce même comité recommande cette fois-ci un moratoire illimité.

Un comité d’experts sur les OGM, mis en place par la Cour suprême en mai 2012, vient de rendre son rapport final sur les conditions permettant une « bonne » conduite d’essais en champs. Selon la presse indienne, ce rapport établit que « il est flagrant que la législation indienne contient des lacunes importantes. Ces lacunes doivent être comblées avant même de considérer la question de la mise en œuvre d’essais en champs. En attendant, il n’est pas recommandé de conduire des essais en champs » [1]. Si dans son rapport intermédiaire d’octobre 2012, le comité d’experts recommandait un moratoire de dix ans sur les essais en champs [2], son rapport final ne fait donc plus mention d’un quelconque délai.

Des lacunes scientifiques, administratives…

A l’appui de sa recommandation de moratoire, le comité liste des lacunes scientifiques et administratives. Pour ce qui est des connaissances scientifiques, les experts constatent le manque de données quant aux effets à long terme des OGM ainsi que sur la toxicité chronique des cultures alimentaires Bt [3]. Ils estiment donc que l’innocuité sanitaire de ce type de cultures n’est pas établie. Ils dénoncent des dossiers de demande pour des essais en champs de mauvaise qualité. Enfin, le comité explique également considérer que les cultures tolérantes aux herbicides sont « complètement inadaptées » au contexte agricole indien. Tout essai en champs et autorisation commerciale de telles variétés devraient donc être refusés.

… et législatives.

L’évaluation des risques des OGM destinés à la commercialisation est aujourd’hui entre les mains d’un comité d’experts, le GEAC. Ce comité, nommé par la Cour suprême, suggère que lui soit adossé un secrétariat qui regrouperait des experts en biosécurité et serait construit sur le modèle norvégien, « un des rares à avoir intégré les problématiques socio-économiques, problématiques importantes dans le contexte indien » [4]. Ainsi, l’évaluation avant autorisation couvrirait les domaines de la santé, de l’environnement, de biologie moléculaire, de microbiologie, de toxicologie… mais aussi les champs agro-économiques et socio-économiques. Il recommande également que le dossier OGM soit géré par le ministère de l’environnement. Dernière recommandation, et non des moindres, il propose qu’aucunes autorisations pour des essais en champs ou des cultures commerciales ne soient accordées pour les espèces dont l’Inde est un centre d’origine (riz, aubergine, moutarde par exemple).

Dans ces conditions de connaissances scientifiques et juridiques, pourraient seulement être autorisés des essais sur des terres appartenant aux pétitionnaires et non louées à des agriculteurs. Dans son rapport intermédiaire, ce comité avait déjà recommandé que soit établie une liste des sites pouvant accueillir des essais en champs, et que soient résolus les cas de conflits d’intérêt au sein des organes régulateurs (le comité d’évaluation des manipulations génétiques – RCGM – est sous la tutelle du département des biotechnologies dont le rôle est la promotion des biotechnologies…).

La Cour suprême fut saisie en 2005 par Aruna Rodrigues (employée d’un cabinet de consultants en économie, le Sunray Harvesters) d’une «  grave situation, soulevant des questions de biosécurité, du fait de la dissémination d’OGM »  [5]. Huit ans plus tard, le jugement de la Cour suprême est toujours attendu. Le rapport final du Comité maintenant sur sa table, il pourrait ne plus tarder.

Une demande de moratoire qui fait écho à d’autres

Plusieurs autres demandes de moratoire ont été formulée en Inde. Les organisations non gouvernementales, regroupées au sein du « congrès indien sur la biodiversité », veulent que soient interdites les cultures commerciales et les essais en champs de PGM Bt alimentaires [6]. Et le Comité permanent parlementaire sur l’agriculture, du fait d’un encadrement législatif inadéquat et obsolète, souhaite une enquête sur l’évaluation de l’aubergine Bt et sur les cultures de coton Bt, qu’en parallèle soit décrété un moratoire sur toute culture GM et que soit instauré un étiquetage obligatoire des produits alimentaires contenant des OGM [7].

Côté Parlement, les choses doivent encore évoluer : une proposition de loi sur les biotechnologies est en attente de discussion au sein du Comité permanent sur les sciences et technologie, l’environnement et la forêt. Cette proposition de loi a d’ores et déjà été dénoncée comme une porte ouverte aux conflits d’intérêts : le département des sciences et technologies, chargé de la promotion des cultures GM, serait en effet, dans ce projet, l’organisme de tutelle de la future possible Autorité de régulation des biotechnologies (BRAI) qui délivrerait les autorisations… (6).

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