n°115 - mars / avril 2012

Evaluation des OGM : la Commission au service des entreprises ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 16/04/2012

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Les offensives sur le dossier OGM se multiplient. Si de leur côté, les entreprises développent leurs stratégies de pression [1], la Commission européenne n’est pas en reste. En témoigne la dernière proposition de règlement adressée aux États membres visant à légiférer sur les procédures d’évaluation des risques liés à l’utilisation des plantes génétiquement modifiées (PGM). Si cette proposition n’est pas la version définitive du règlement, elle nous permet de voir que la Commission européenne favorisera l’équivalence en substance. Explication.

Mai 2011, l’Agence européenne de Sécurité des Aliments (AESA) publiait ses lignes directrices concernant les évaluations des PGM à destination de l’alimentation humaine et animale [2]. Elle proposait alors de réduire l’évaluation des PGM avant autorisation en conditionnant par exemple la mise en œuvre d’analyses de toxicologie aux résultats d’analyses préalables de « comparaison de composition » (expression qui désigne tout simplement l’équivalence en substance). Huit mois plus tard, la Commission européenne (CE) reprend cette proposition dans un projet de règlement qui, s’il était adopté, affaiblirait l’évaluation des PGM avant autorisation.

Analyses de toxicologie et d’alimentarité : aux entreprises de décider !

En décembre 2008, les 27 Etats membres avaient unanimement demandé un renforcement de l’évaluation des PGM avant autorisation. Comment y répond (enfin !) la CE ? En donnant au concept d’équivalence en substance une place centrale [3]. Un choix paradoxal car cela implique que les PGM dont les analyses de comparaison de composition n’auront pas détecté de différences biologiquement significatives avec sa « contrepartie non GM », pourraient ne plus avoir à passer par des analyses de toxicologie ou de nutrition présentes aujourd’hui dans chaque dossier déposé (pour les PGM avec un seul transgène). Et les pétitionnaires décideraient eux-mêmes du bien-fondé de conduire ces analyses ! Ainsi, « le pétitionnaire considérera le besoin d’analyses de toxicologie sur base des résultats des analyses moléculaires et de comparaison » [4]. Il en va de même pour les analyses d’alimentarité qui visent à étudier la valeur nutritionnelle des PGM. Dans les cas où les analyses de composition font apparaître des différences, leur signification nutritionnelle sera évaluée d’abord sur la base de la littérature scientifique. Puis, « si cette évaluation [via la littérature scientifique] conclut à une équivalence nutritionnelle entre les aliments GM et leurs contre-parties conventionnelles, aucune étude supplémentaire ne sera à conduire » ! La CE suit donc les lignes directrices proposées par l’AESA qui parlait déjà d’équivalence en substance dans ses lignes directrices de 2006. Mais en proposant de modifier le règlement 1829/2003, la CE propose de contourner la directive 2001/18 car, d’une part le règlement 1829/2003 renvoie à la directive 2001/18 pour ce qui est des analyses à conduire [5] et d’autre part, la directive 2001/18 établit l’obligation de renseigner « les effets toxiques, allergisants ou autres effets nocifs » des PGM [6]. Même si un flou juridique persiste quant à la prévalence de la directive 2001/18 sur le règlement 1829/2003, amender le règlement conduirait à un affaiblissement de l’évaluation des risques liés aux PGM.

Des discussions au contenu incertain

Le 10 février, lors de la réunion du Comité Permanent de la Chaine Alimentaire et de la Santé Animale (CP CASA), une première discussion entre Etats membres a eu lieu qui sera suivie d’une autre le 10 mars. La question des analyses à conduire (annexe 2) sera donc abordée sous peu. En bout de course, ces réunions devraient, indirectement, viser à établir si la CE a répondu aux demandes formulées en décembre 2008. Avec le système actuel, on sait que l’UE est aujourd’hui, et malgré l’évaluation avant autorisation, incapable d’assurer, au risque statistique près, que le maïs Mon810 n’est pas toxique. Par ailleurs, un récent article scientifique a mis en exergue que personne ne pouvait prétendre connaître avec précision la quantité de protéine Bt présente dans un champ de maïs Bt (cf. encadré ci-dessous). Avec ces faiblesses existantes et la proposition en cours de la CE, on voit donc que les discussions à venir sont importantes. Or la procédure d’adoption de ce règlement sera moins longue que celle pour adopter un règlement classique, étant donné que la CE choisit de proposer un « règlement d’exécution ». Contrairement à la procédure d’adoption d’une directive ou d’un règlement qui prend plusieurs mois, les règlements d’exécution sont adoptés à l’issue d’une procédure simplifiée. Ce texte sera en effet simplement soumis à la procédure de comitologie et donc au vote du CP CASA [7], sans co-décision entre le Parlement et le Conseil, comme c’est le cas avec la procédure ordinaire.

[3Annexe 2 point 1.3 du règlement proposé. Traductions d’Inf’OGM.

[4Article 5 renvoyant à l’annexe 2, point 1.4, page 46 du règlement

[5Article5(5)(a) et article 17(5)(a) du règlement 1829/2003

[6Annexe IIIB(D)(7) et (8) de la directive 2001/18 par exemple

[7Procédure définie par l’art. 291 du TFUE et du règlement 182/2011

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