n°12 - septembre 2000

Détection des OGM – imparfaite et couteuse

Par Inf’OGM

Publié le 31/08/2000

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Pour rendre applicables les lois sur l’étiquetage des OGM, les pays européens doivent se doter de méthodes normalisées de détection des OGM. L’AFNOR – Association française de normalisation – doit rendre un document de référence fin novembre. Mais “le problème de fond actuel pour les laboratoires impliqués dans la détection d’OGM est la difficulté d’avoir accès aux informations (constructions des transgènes) et aux matériels (sondes, amorces spécifiques, standards OGM et non-OGM…) nécessaires, y compris pour les OGM autorisés en Europe”, affirme David Zhang du GEVES. Sur la question du seuil, les scientifiques son unanimes : “Garantir un lot totalement vierge d’OGM nous semble une utopie scientifique car, comme pour toute analyse, il y a la notion de seuil de détection qui s’applique aux OGM comme, par exemple, à toute analyse de contaminant : on peut dire « inférieur à » ou « non détecté au seuil de » mais pas « absence garantie d’OGM » » affirme ainsi François Vigneau, chef du Département chimie d’un laboratoire privé d’analyses.

Détection des OGM : coûteuse et imparfaite !

Le législateur européen n’autorise qu’au compte-gouttes les variétés

transgéniques (certaines d’ailleurs seulement autorisées à l’importation

mais pas à la culture en Europe) pour lesquelles il définit, de plus, des

règles strictes d’étiquetage (1). Mais cet arsenal législatif est aujourd’

hui difficilement applicable : on ne dispose en effet d’aucune méthode

normalisée de détection des OGM, d’où des discordances possibles de

résultats entre laboratoires ! Dès lors, comment contrôler efficacement l’

entrée en Europe d’OGM non autorisés ? Comment détecter des OGM dans les

produits alimentaires ? Pourquoi imposer des seuils de « présence fortuite »

au consommateur ?

Différents comités d’experts se penchent sur la question. En France, une

commission de l’AFNOR, présidée par Yves Bertheau de l’INRA (et intégrée par

des acteurs de la filière, dont les associations de consommateurs.), devrait

publier à l’automne 2000 un texte de référence.

« Nous ne sommes pas en mesure de détecter des OGM dont nous ne connaissons

pas les modifications génétiques » souligne Emmanuel Gachet du laboratoire

privé d’analyses Eurofins Scientific à Nantes. En effet, « le problème de

fond actuel pour les laboratoires impliqués dans la détection d’OGM est la

difficulté d’avoir accès aux informations (constructions des transgènes) et

aux matériels (sondes, amorces spécifiques, standards OGM et non-OGM…)

nécessaires, y compris pour les OGM autorisés en Europe » confirme David

Zhang du GEVES. Est-ce à dire qu’aujourd’hui n’importe quel OGM entre en

Europe sans contrôle ?

On ne trouve que ce que l’on cherche

Pas tout à fait, on l’a vu récemment avec l’affaire des colza, maïs et soja

contaminés en France. Mais pour ces quelques lots détectés, combien d’autres

contiennent des OGM à l’insu du producteur ? Et combien de produits

alimentaires contenant des OGM échappent à l’étiquetage malgré la

législation européenne en vigueur ?

Certes, plaide Yves Bertheau, « l’Etat ne peut pas mettre un gendarme ou un

contrôleur derrière chaque fabricant ou chaque importateur ». Mais la

fréquence et l’ampleur des contrôles sont-elles suffisantes ? En septembre

1999, les analyses scientifiques réalisées par la DGCCRF faisaient

apparaître que sur 62 prélèvements, 12 échantillons contenaient des OGM. Or

dix de ces 12 denrées ne comportaient aucune indication à ce sujet sur leur

étiquette. Un produit revendiquait même à tort l’absence d’OGM et un seul

produit mentionnait la présence d’OGM. Depuis, la situation ne semble guère

avoir évolué !

Comme dans bien d’autres aspects concernant les OGM (impacts sur la santé,

sur l’environnement, responsabilités des producteurs, implications

économiques, éthiques.) les textes de loi et les réglementations ont été

édictées avant que les moyens techniques permettant de les appliquer ne

soient opérationnels !

« La commission AFNOR V03E a travaillé au pas de charge pour fournir un

document qui participe à la réduction des discordances de résultats entre

laboratoires » plaide encore Yves Bertheau. « Si la prochaine réunion AFNOR

en septembre entérine le texte travaillé ces derniers mois, un document

général, en cours de finition, devrait être publié à l’automne ».

Mais les discussions entre experts sont ardues, parce que le sujet est en

soi très complexe : quelle quantité d’échantillon doit-on prélever ? Comment

rendre compatibles des méthodes qui s’appuient sur l’analyse des protéïnes

et sur celle des acides nucléïques ? Détection qualitative, détection

quantitative, le tout à des coûts raisonnables. Il faut aussi harmoniser ces

méthodes d’abord au niveau européen (dans deux ans ?) puis international (la

France demande la présidence de la commission ISO récemment saisie sur le

sujet).

Un seuil économique ?

Tout ce travail pourra-t-il garantir à terme une absence d’OGM dans un

produit donné ?  » Garantir un lot totalement vierge d’OGM nous semble une

utopie scientifique car, comme pour toute analyse, il y a la notion de seuil

de détection qui s’applique aux OGM comme, par exemple, à toute analyse de

contaminant : on peut dire « inférieur à » ou « non détecté au seuil de » mais

pas « absence garantie d’OGM » » répond François Vigneau, chef du Département

chimie d’Eurofins Scientific. Alors, le jeu en vaut-il vraiment la chandelle

 ?  » Toute méthode analytique (biologique, chimique, physique) peut au mieux

fournir un résultat négatif avec un certain seuil de quantification et un

certain degré de confiance qui variera avec l’échantillonnage, la taille de

prise d’essai, la technique de détection / identification /

quantification… A un moment donné c’est plus un problème économique et

individuel que technique : qu’est-on prêt à « payer » (tant au sens figuré que

propre) pour s’assurer qu’il n’y a pas de dioxine, de mycotoxine, de

Listeria ou d’OGM dans sa nourriture ou son environnement ? « s’interroge

Yves Bertheau. Peut-être faut-il compléter la question : » Qu’est-on prêt à

payer ? « avec cette autre question : » Qui va payer ? « .

Car ces surcoûts, externes à la production, ne sont jamais pris en compte

dans le calcul de la rentabilité des OGM : quel gain de rendement faut-il

vraiment obtenir pour couvrir tous ces frais, d’abord de mises au point de

méthodes de détection, puis d’échantillonnages permanents d’une multitude de

lots de semences ou de produits transformés ? Encore une fois, on réalise

que le choix de la voie transgénique conduit à des dépenses de recherche qui

ne seront guère utilisées pour d’autres types d’alternatives plus durables.

Faux, rétorque Yves Bertheau, cette recherche » constitue un modèle et aura

certainement des répercussions intéressantes dans l’ensemble de

l’agro-alimentaire « . Mais il reconnaît cependant que « la normalisation

n’est pas une des missions de l’INRA. Une fois défini le cadre général des

méthodes de détection », il démissionnera de la présidence de cette

commission : « nous nous recentrerons sur nos missions » conclut-il. Comme

par exemple le développement de l’agriculture biologique ou des produits de

terroirs ?

(1) règles issues du règlement 258/97/CE pour les nouveaux aliments et

ingrédients, et du règlement 1139/98/CE, modifié récemment par le 49/2000/CE

Frédéric Prat

31/08/2000

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