n°59 - décembre 2004

Bricoleurs du vivant, à vos brevets

Par Guy KASTLER

Publié le 30/11/2004

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La loi traduisant la directive européenne 98/44/CE a été votée dans l’indifférence le 29 novembre 2004. Certains n’y ont vu que les restrictions au droit des brevets. Ainsi, le “privilège du sélectionneur” autorise un obtenteur à utiliser une variété contenant une information brevetée à des fins de recherche ou de création variétale. En cas de refus du propriétaire, une licence d’utilisation peut être obtenue auprès de l’autorité nationale, afin de ne pas arrêter “le progrès continu de la recherche”. Le “privilège “ du fermier l’autorise à ressemer le grain transgénique qu’il y a récolté tout comme le “privilège “ de l’éleveur garantit “l’usage agricole” de l’animal possédant une information brevetée, “éventuellement moyennant rémunération” et à l’exclusion “de la vente dans le cadre d’une activité commerciale de reproduction”. Enfin, la responsabilité de celui qui utilise, détient ou vend un produit “contrefait” n’est engagée que si “les faits ont été commis en connaissance de cause”.

Derrière ces aménagements, en fait, cette loi prévoit l’extension de la protection accordée par un brevet aux matières biologiques contenant l’information génétique brevetée ainsi qu’aux produits ou matière biologiques obtenus par reproduction ou multiplication à partir des éléments protégés. Et si le texte interdit de breveter une variété végétale ou une race animale, il organise de fait le brevetage généralisé des plantes cultivées et des animaux domestiques.

En cas de cultures GM importantes, les variétés locales et paysannes seront génétiquement polluées. Ces variétés “population”, dont le paysan peut ressemer le grain récolté contrairement aux hybrides, sont la seule alternative aux cultures industrielles et GM parce que les paysans les ont sélectionnées pour pousser à partir des ressources de leurs terroirs et non avec les engrais/pesticides/grosses machines/irrigation. Le paysan qui, en connaissance de leur contamination génétique, voudra tout de même les cultiver, sera condamné tout comme Percy Schmeiser.

Plus de la moitié des vaches laitières françaises sont issues de moins de cinq taureaux : que se passera-t-il lorsqu’on aura introduit une information génétique brevetée dans les centres d’insémination artificielle ? A qui appartiendront les animaux nés dans les fermes ? Et à qui appartiendront les petits de ma chatte, qui n’ont pas d’usage agricole, s’ils sont les descendants du chat de mon voisin génétiquement modifié pour ne pas être allergisant ?

Dès qu’on met le doigt sur le brevet sur le vivant, fût-il aménagé, on y perd vite son âme, la biodiversité et le droit des peuples à l’autonomie alimentaire. Les députés ont reconnu lors du débat parlementaire que la directive 98/44 doit être renégociée et que la loi qu’ils ont votée devra être revue : ne les laissons pas s’endormir !

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