Actualités

Nouveaux OGM : les États-Unis en guerre contre l’UE

Par Eric MEUNIER

Publié le 22/08/2018

Partager

Le 25 juillet 2018, la Cour de Justice de l’Union européenne déclarait que les organismes modifiés génétiquement par mutagénèse étaient des OGM et que ceux obtenus par des techniques de mutagénèse ayant recours au génie génétique étaient des OGM qui ne pouvaient échapper aux obligations de la législation européenne. Dès le 27 juillet, le ministre étasunien de l’Agriculture, Sonny Perdue, réagissait en annonçant que les États-Unis allaient « redoubler leurs efforts pour travailler avec ses partenaires en vue d’une approche réglementaire basée sur la science et l’évaluation des risques »…

Depuis le 25 juillet 2018, et la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne, le statut juridique d’organismes génétiquement modifiés (OGM) par des techniques de mutagénèse est clarifié : toutes les techniques de mutagénèse donnent des OGM. Seule exemption : les OGM obtenus par des « techniques/méthodes de mutagénèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps » qui sont donc exonérés des obligations d’évaluation, autorisation, étiquetage, suivi… Mais, précision importante, cette exemption ne concerne pas des « techniques nouvelles de mutagénèse » [1].

Pour les États-Unis, la législation européenne sur les OGM est « régressive et anti-datée »

La réaction étasunienne ne s’est pas faite attendre longtemps. Deux jours plus tard, le ministre de l’Agriculture, Sonny Perdue, – un ardent défenseur des biotechnologies végétales [2] – publiait un communiqué de presse offensif qui indique que les États-Unis considèrent la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne « comme un revers » pour les politiques qui devraient « encourager l’innovation scientifique sans créer de barrières inutiles ou stigmatiser de manière injustifiée les nouvelles technologies » [3]. Et de qualifier la législation européenne sur les OGM de « régressive et anti-datée ».

Dans ce communiqué assez bref, le ministre de l’Agriculture indique même à l’Union européenne la marche qu’elle devrait suivre : échanger avec « les communautés scientifiques et agricoles, tout comme avec ses partenaires commerciaux », parmi lesquels les États-Unis. Et d’annoncer que « le ministère étasunien de l’agriculture va redoubler ses efforts pour travailler avec ses partenaires du monde entier vers des approches réglementaires basées sur la science et le risque ». Traduction : une absence supposée de risque induit, comme c’est le cas aux États-Unis, une absence d’encadrement réglementaire.

Les États-Unis avaient suspendu leur révision législative

Cette annonce du ministre se comprend mieux si on se rappelle que les États-Unis ont sous le coude une révision de leur propre législation nationale sur les OGM. Or, dans le cadre de cette révision, la définition même d’un OGM était remise en question. La proposition alors en débat en 2017 visait à définir les OGM comme des organismes obtenus par génie génétique, une famille de « techniques utilisant des acides nucléiques recombinant ou synthétiques dans l’intention de créer ou altérer un génome » [4]. Une approche qui a mécontenté tout le monde : certains y voyaient une restriction trop grande de ce qui serait considéré comme OGM, alors que d’autres la trouvaient encore trop large (nombre de nouvelles techniques passant par de l’insertion transitoire d’ADN, elles seraient tombées sous le coup de cette définition). Le gouvernement avait donc suspendu cette révision en novembre 2017. En tout état de cause, cette proposition de définition est diamétralement opposée à l’approche légale européenne suite à l’arrêt du 25 juillet. Aujourd’hui, pour l’Union européenne, toute technique ayant recours au génie génétique apparue ou principalement développée après 2001 et dont les risques pour l’environnement ou pour la santé humaine ne peuvent être établis avec certitude donne des OGM soumis au champ d’application de la loi (directive 2001/18).

Conflits internationaux en vue

À l’international, le gouvernement étasunien participe au travail de réflexion en cours que ce soit au sein de l’OCDE ou de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB). En novembre 2017, Inf’OGM rapportait justement la position défendue par les États-Unis au cours des discussions de la CDB sur une possible future définition de la biologie de synthèse, concernant donc les biotechnologies modernes. Le gouvernement étasunien faisait alors valoir que des textes législatifs existants permettant d’encadrer les OGM suffisaient et qu’il n’était pas utile d’adopter de nouveaux textes réglementaires spécifiques. Une approche qui permettrait évidemment de restreindre les procédures d’évaluation des risques spécifiques, d’étiquetage ou autre surveillance comme requis dans l’Union européenne ou ailleurs [5].

Et ces discussions continuent [6]. Ainsi, du 10 au 22 novembre 2018, les États signataires de la CDB se réuniront à Sharm el-Sheikh (Égypte). Et il est certain que la décision de la CJUE de juillet 2018 aura des conséquences sur les discussions qui auront lieu. L’Union européenne devra notamment défendre son approche réglementaire, pour le moins opposée à celle que les États-Unis voudraient faire adopter. À moins qu’une interprétation restrictive de la décision de la CJUE ne soit trouvée d’ici-là…

Actualités
Faq
A lire également