n°148 - janvier / février 2018

Portugal : du maïs conventionnel contaminé

Par Confederaçao Nacional da Agricultura*

Publié le 05/03/2018

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Pourquoi, comme pour Percy Schmeiser au Canada, Monsanto n’a-t-il jamais poursuivi les paysans portugais pour contrefaçon ? Quelques explications.

Pourquoi, comme pour Percy Schmeiser au Canada, Monsanto n’a jamais poursuivi les paysans portugais pour contrefaçon ? Quelques explications.

Les OGM sont, en règle générale, brevetés car on considère que leur création est une « activité inventive ». Breveter le vivant suscite, en soi, des questions éthiques et même civilisationnelles. Mais avec ces brevets, certaines entreprises sont en mesure de posséder une information vieille de millions d’années, comme si elles l’avaient inventée.

Le seul OGM autorisé à la culture dans l’Union européenne est le maïs MON810. Il a été autorisé à la culture au Portugal en 2005. Le maïs était alors, et est toujours, la culture qui fournissait les meilleures récoltes au Portugal. Mais le maïs MON810 de Monsanto étant alors breveté (le brevet a expiré en novembre 2014), il était à craindre que son introduction générât des différends ou des procédures pour violation de brevets. En effet, tout juste un an avant, la Cour suprême canadienne jugeait que l’agriculteur Percy Schmeiser avait violé le brevet de Monsanto à la suite d’une contamination de ses cultures par le colza breveté de Monsanto…

Des conditions de contamination réunies

Cette affaire montrait le risque posé par l’introduction du maïs breveté MON810 pour les agriculteurs portugais : comme Percy Schmeiser, ils pourraient être poursuivis pour infraction aux droits du brevet en cas de contamination. Ces risques étaient réels et les enjeux importants. Car où s’arrête le droit des brevets ? Les semences du pays, non génétiquement modifiées (GM), pouvaient être contaminées et par conséquent devenir illégales ou soumises à redevance au regard du droit des brevets. Cela compromettait le droit ancestral des paysans à utiliser leurs semences et affectait la souveraineté alimentaire et la biodiversité. De plus, dans un petit pays comme le Portugal, la coexistence entre les cultures conventionnelles, biologiques et GM se révélait impossible, d’autant plus que le pays n’avait pas de moyens techniques et même financiers pour assurer efficacement le contrôle de cette coexistence.

Toutefois, il n’y a pas eu d’affaire Schmeiser ni aucune autre affaire de violation de brevet au Portugal dans la période durant laquelle le brevet sur le MON810 était encore valide. Ceci peut s’expliquer par le fait que la grande majorité des agriculteurs ne réutilise pas les semences et achète de nouvelles semences chaque année. Monsanto n’avait donc aucune raison de les poursuivre pour atteinte à son brevet. Mais, les cas de contamination étant documentés, il reste étonnant qu’aucune affaire Schmeiser ne se soit produite. L’analyse des échantillons collectés durant ces dernières années pour les rapports de monitoring de la Direction générale de l’alimentation et vétérinaire montre en effet la contamination du maïs conventionnel dans les champs voisins de ceux qui sont ensemencés avec du maïs MON810. Et même si ces rapports montrent des valeurs de contamination inférieurs au seuil de 0,9 % fixé par la législation communautaire pour l’étiquetage des OGM, cette contamination est bien réelle et s’étend aussi à l’assiette du consommateur. En 2015, une autre étude a montré que dans 16 échantillons de pain de maïs analysés par des chercheurs de l’école agricole de l’Institut polytechnique de Santarém, sept étaient au-delà de la limite du seuil d’étiquetage obligatoire de 0,9 %. Ce pourcentage atteignait même 5 % dans le district de Porto, 10 % à Viana do Castelo et 12 % à Braga.

Par conséquent, si aucun agriculteur ne s’est plaint d’une contamination d’OGM ou n’a été accusé de violation des droits du brevet, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de contamination ni de potentielle affaire Schmeiser. Et la raison à cette absence de plainte pourrait aussi être le fait qu’au Portugal, le secret est l’âme du business.

Canada, l’après Schmeiser ?

Une affaire Schmeiser n’est pas prête de se reproduire au Canada. Interrogé par Inf’OGM, l’avocat de Percy Schmeiser, Terry Zakreski, explique que « depuis son introduction [au Saskatchewan], le colza GM a été un succès à tel point qu’il n’y a plus de variétés conventionnelles ». Or, continue-t-il, « l’introduction de colza GM (…) a fait que les agriculteurs (…) se réapprovisionnent en semences chaque fois qu’ils plantent […]. Il est donc peu probable qu’une affaire Schmeiser se reproduise à moins qu’il y ait une poussée d’OGM dans d’autres variétés comme le blé (…) ».

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