n°146 - juillet / août 2017

Nouvelle variété : technique d’obtention inconnue

Par Daniel Evain, agriculteur bio, membre démissionnaire du HCB

Publié le 18/10/2017

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Une nouvelle variété a parfois été créée avec des techniques d’obtention que l’on souhaiterait ne pas utiliser. Car le procédé d’obtention d’une variété n’est pas divulgué avec le certificat d’obtention végétale (COV) ni avec l’enregistrement de la variété au catalogue. Des producteurs demandent cette information.

Pour une variété protégée par un COV et inscrite au catalogue, les seules informations disponibles concernent des caractéristiques techniques et agronomiques : description phénotypique et, pour les grandes cultures, rendement, résistance à des maladies, verse… Les modes d’obtention des variétés (origine génétique, sélection massale, croisement, mutagénèse…) ne sont pas donnés, sauf le caractère transgénique ou non de la variété. Une information qui vient de la législation OGM, pas de celle du COV !

Un procédé d’obtention dissimulé

Certaines techniques d’obtention comme la mutagénèse ou la fusion de protoplastes (d’espèces non apparentées) qui conduisent à la production d’OGM sont exclues du champ d’application de la réglementation OGM. Cette situation a pour conséquence un manque de transparence lors de la commercialisation de ces variétés. De nombreux acteurs, notamment ceux de l’agriculture biologique, ne souhaitent pas utiliser ces variétés et demandent donc une information complète sur les techniques d’obtention utilisées.

Légalement, un OGM est « un organisme [sauf les humains], dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». On imagine donc que les variétés non OGM sont obtenues de manière « naturelle ». Mais c’est loin d’être le cas, et certaines techniques ne répondent pas aux principes de base de la bio (définis par Ifoam et les mentions « privées »).

La mutagénèse chimique ou physique consiste à perturber l’ADN de la cellule pour espérer créer de nouveaux caractères. De nombreux utilisateurs refusent l’utilisation de rayonnements ou d’agents chimiques. De plus, les modifications provoquées sont très importantes, bien plus que tout ce qui peut se produire lors de mutations naturelles. Appliquée sur des cellules isolées in vitro, la mutagénèse peut parfois provoquer des modifications plus importantes qu’avec la transgenèse.

Très utilisée pour la création d’hybrides F1 en colza, choux et endives, la fusion de protoplastes est la fusion de deux cellules isolées, le plus souvent de deux espèces non apparentées. Elle permet de fusionner l’ensemble des cellules ou seulement des cytoplasmes pour ne garder que le génome nucléaire d’une seule espèce.

Ces deux techniques donnent des variétés OGM puisqu’elles ont « été modifiées d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». Mais elles sont exclues du champ d’application de la réglementation. Ce qui aboutit à une absence totale d’information pour les utilisateurs.

La culture in vitro est une technique de culture de cellules isolées ou de fragments de végétaux sur un milieu de croissance stérile. Elle est utilisée dans le cadre de multiplication de végétaux notamment pour des raisons phytosanitaires. Lorsqu’elle est utilisée dans le cadre de la création variétale, ce sont aujourd’hui des cellules isolées qui sont cultivées, modifiées puis régénérées en plantes entières. Or, la seule mise en culture in vitro induit des modifications génétiques.

L’utilisation combinée de la mutagénèse et de techniques appliquées in vitro à l’ADN permet d’obtenir des mutants à grande échelle. Le marquage moléculaire permet ensuite de les identifier et de les sélectionner rapidement. Cette technique dite de Tilling permet aux semenciers d’obtenir des brevets sur les plantes mutées et de déposer des variétés contenant ces brevets sans en informer les utilisateurs.

Pourtant l’utilisation de techniques appliquées aux acides nucléiques correspond à la définition des organismes vivant modifiés selon le protocole de Cartagena [1]. Les variétés issues de ces techniques devraient donc faire l’objet en tant qu’OGM d’une évaluation, d’une information auprès des utilisateurs commerciaux de ces variétés et d’un suivi.

Choisir la variété en fonction de son mode d’obtention

Ni le COV ni le catalogue ne renseignent les utilisateurs de variétés sur les techniques d’obtention utilisées. Une situation qui maintient les acteurs des agricultures biologiques et paysannes dans l’ignorance de la nature exacte de certains produits végétaux qu’ils utilisent contre leur gré. La transparence des méthodes d’obtention utilisées doit devenir la règle lors du dépôt des variétés par les semenciers, permettant aux utilisateurs de choisir en toute connaissance les variétés qu’ils souhaitent consommer ou cultiver.

[1, « International : une transparence perfectible », Inf’OGM, 18 octobre 2017

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