n°146 - juillet / août 2017Interview / débat contradictoire

Pour le renouveau de l’herboristerie

Par Christophe NOISETTE

Publié le 18/10/2017

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Créée en 1983, l’association pour le renouveau de l’herboristerie (ARH) lutte pour que cette discipline soit de nouveau reconnue, notamment via un diplôme officiel. Sa présidente, Ferny Crouvisier, a répondu aux questions d’Inf’OGM.

Inf’OGM – Pourquoi parlez-vous du renouveau de l’herboristerie ?

Ferny Crouvisier – Avant les herboristes, il y a eu les druides, sorcières, apothicaires, moines, droguistes.

L’affaire des poisons (1679) relance la question de la dangerosité de certaines plantes et du contrôle de ceux qui les fournissent. Pour contrer les apothicaires qui cherchent à les contrôler, les herboristes s’engagent à passer un examen. Napoléon Bonaparte reconstruit le système médical (loi du 11 avril 1803) qui définit les droits des pharmaciens, mais aussi instaure un certificat d’herboriste qui durera… jusqu’en 1941.

Il faut savoir que le diplôme d’herboriste d’autrefois a connu beaucoup d’attaques avant sa disparition en 1941 : les pharmaciens voyaient d’un mauvais œil la place prise par ces hommes et femmes passionnés de plantes et aux connaissances étendues. Plusieurs tentatives de suppression ont avorté, grâce au soutien des hommes politiques en place et à la force des herboristes, fédérés et organisés autour de leur diplôme.

Avant 1941, il y avait environ 5 000 herboristes, et 11 000 pharmaciens. Le diplôme officiel d’herboriste a été supprimé en 1941 sous le gouvernement de Vichy, à une époque où promouvoir la sécurité nationale et familiale était fondamental vu le contexte historique : les années de guerre ont empêché les herboristes de défendre correctement leur métier. Les herboristes en place ont conservé le droit d’exercer et les derniers disparaissent aujourd’hui. Dans les années 80, plusieurs mouvements se sont mis en place devant le constat que les connaissances essentielles d’herboristerie étaient en train de disparaître. En effet, le monopole de la délivrance et de la connaissance des plantes avait été donné aux pharmaciens. L’après-guerre a connu la reconstruction mais également les progrès scientifiques et médicaux qui ont permis l’avènement de la pharmacologie d’aujourd’hui. Les pharmaciens n’étaient plus formés à l’usage des plantes mais à la chimie moderne.

Des écoles privées se sont donc créées afin que perdurent les savoirs de l’herboriste. Ainsi l’association pour le renouveau de l’herboristerie (ARH) a vu le jour en 1983. Ce nom est évocateur de l’espoir et de la revendication d’un retour à une reconnaissance de ce métier d’herboriste par les pouvoirs publics. Métier tellement nécessaire à la prévention de santé !

À l’ARH, nous considérons que les attaques au métier d’herboriste sont liées à une crainte de concurrence… ce qui ne semble pas exister avec tant de « gravité » dans d’autres pays Européens.

Le souci (Calendula officinalis), très utilisé comme plante médicinale du fait de sa polyvalence.
Le souci (Calendula officinalis), très utilisé comme plante médicinale du fait de sa polyvalence.
Crédits : 305 Seahil

Qu’apporte un herboriste et quelles relations a-t-il avec la médecine conventionnelle ?

Les différents scandales qui ont éclaboussé l’industrie pharmaceutique nous renseignent sur un problème de santé crucial : beaucoup de molécules chimiques synthétisées peu- vent provoquer des effets délétères, et sur des pathologies ou symptômes simples, il n’est pas nécessaire de recourir systématiquement à de l’allopathie quand un usage professionnel bien ciblé des plantes peut permettre de préserver la santé. L’herboriste a toute sa place dans l’échelle des soins, car il sera à la source des plantes prescrites par le médecin phytothérapeute : il en connaît l’origine, veille à leur qualité, leur conservation, les interactions entre plantes et entre plantes et médicaments allopathiques. Formé, il apporte aussi des conseils de prévention. Ce côté prévention n’est pas anodin dans une société où l’immunité de tous se dégrade dans un environnement de plus en plus pollué.

La médecine traditionnelle de toutes les cultures du globe utilisait à bon escient les plantes, les minéraux, voire les animaux, pour maintenir la santé et guérir certaines pathologies. Aujourd’hui encore, nous savons que les laboratoires sillonnent la planète à la recherche des dernières tribus afin d’espérer découvrir de nouvelles plantes et leurs effets sur la santé en observant les usages dits primitifs. 200 000 plantes sont répertoriées sur la terre et seulement 3 % d’entre elles ont fait l’objet de recherches médicales ou pharmaceutiques car ces recherches ont un coût. Tous les médicaments aujourd’hui proviennent de molécules dites « principes actifs », découvertes dans les végétaux et déjà utilisées de manière empirique par les peuples.

Les progrès phénoménaux de la science ont permis de rallonger la vie et la santé des citoyens, mais les médecines traditionnelles, les pharmacies traditionnelles ont leur place comme en Asie. Les médecines chinoises et ayurvédique ont su conserver leurs connaissances et les enrichir des progrès. En revanche, l’Europe a suivi la voie du « modernisme » et oublié ses sources.

Or aujourd’hui on assiste à une demande de retour au « vert » et au « naturel » du public, lassé des cas d’intoxications ou autres relatés. Il est plus que normal que ce lien entre traditions, savoirs et progrès se consolide à nouveau pour le bien-être et la santé de tous, et c’est là que l’herboriste retrouve toute sa place.

L’herboristerie implique-t-elle un certain regard sur le vivant ?

L’herboriste est celui qui connaît les plantes, sait les reconnaître, connaît les risques d’utilisation, connaît les mélanges adéquats. Ce lien peut être très fort car l’herboriste aime les plantes. C’est cet amour que l’on retrouve dans la façon qu’a l’herboriste de les conserver, les manipuler, voire les cueillir pour les cueilleurs-herboristes.

Utiliser et connaître les plantes, c’est aussi savoir reconnaître la puissance, la force du tout, ce que l’on appelle le totum de la plante. Chaque molécule ou principe actif pris isolément a une action sur le corps mais également des contre-indications à son usage. Mais dans la plante qui a fabriqué les principes actifs pour elle, il y a un équilibre qui fait que les effets secondaires sont souvent moins marqués. Ainsi le totum, c’est-à-dire la totalité des principes actifs qu’elle contient, est peut-être bien plus intéressant dans certains cas à utiliser que son extrait isolé. On peut à ce titre parler de l’aspirine, agressive pour la muqueuse gastrique alors que l’usage de l’écorce de saule donne les mêmes résultats sans aucune agression des tissus.

Un appel aux politiques a été lancé, quel retour avez-vous eu ?

L’association pour le Renouveau de l’Herboristerie, en lien avec la Fédération Française des Écoles d’Herboristerie (FFEH), a décidé en février 2017 d’envoyer un courrier à tous les députés et sénateurs français.

Ce courrier, rédigé par Patrice de Bonneval, président de la FFEH, avait pour but d’interpeller les politiques sur la situation actuelle du métier d’herboriste en France, et sur l’absence de diplôme validant une formation (voir encadré).

Peu de politiques ont répondu. Daniel Laurent, sénateur de la Charente-Maritime et maire de Pons, nous a apporté la réponse la plus enthousiaste. Auteur en novembre 2016 d’une question écrite à propos du retour de la formation diplômante d’herboriste à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, ce député, sensible aux sujets qui nous préoccupent, a reçu une réponse très claire de la ministre : « Il n’est pas prévu de rétablir le diplôme d’herboriste ». Et le sénateur Fichet avait préparé une proposition de loi pour définir le métier d’herboriste (2010) mais celle-ci n’a jamais été présentée au Sénat. Ceci s’explique, pour lui, par une trop forte proportion de médecins et de pharmaciens parmi les sénateurs et députés.

Nous attendons que les nouveaux députés soient en place pour relancer notre demande. De nombreux pharmaciens nous soutiennent dans notre volonté de la création d’un diplôme qui serait une protection pour les consommateurs et un vrai métier pour de nombreux « jeunes » attirés par cette profession, qui répondrait à un besoin réel. Et le combat des herboristes se justifie par un intérêt croissant, jamais démenti de la part d’une population de plus en plus intéressée à trouver des solutions de bonne santé et d’équilibre de vie.

Ces solutions se doivent d’être respectueuses de l’être humain et de son environnement.

Appel aux parlementaires


Les herboristes ont lancé cet appel aux parlementaires afin que ces élus aident à :

- faire reconnaître un métier d’Herboriste moderne et indispensable à la bonne santé économique de la Nation et de l’être humain ;

- garantir la protection des consommateurs ;

- faire vivre et dynamiser le patrimoine végétal et culturel commun que sont les plantes ;

- soulager les caisses de l’État, en proposant des solutions moins onéreuses, grâce à de la prévention et des soins au naturel au quotidien, avec les conseils d’herboristes qualifiés ;

- et redonner envie à la population de se prendre en main et de retrouver la confiance dans une nature guérisseuse sans effets secondaires.

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