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UE – OGM : aucune majorité pour trois autorisations à la culture

Par Charlotte KRINKE

Publié le 28/03/2017

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Au cours des deux votes des États membres, les 27 janvier et 27 mars, aucune majorité qualifiée ne s’est dégagée pour ou contre l’autorisation à la culture de trois maïs transgéniques (les maïs Bt11 et 1507 et la ré-autorisation du maïs MON810) et à l’importation d’un maïs transgénique aux nombreuses combinaisons (consulter l’agenda du Comité d’appel). Faute de majorité qualifiée pour ou contre ces autorisations, il revient maintenant à la Commission de prendre la décision finale.

L’absence de consensus entre les États membres sur la décision à prendre entraîne, notamment, des retards dans le traitement des demandes d’autorisation. Ces retards ont déjà valu à la Commission européenne, chargée de prendre la décision finale en cas d’absence d’avis des États membres, d’être condamnée par le Tribunal (Union européenne) [1].

Le vote du 27 janvier était en ce sens un test important : c’était la première fois depuis l’adoption de la directive opt-out en 2015 (directive 2015/412) que les États membres devaient se prononcer sur des autorisations de cultures d’OGM. Cette directive opt-out avait été pensée par la Commission européenne pour permettre de débloquer les autorisations d’OGM et faciliter leur culture au niveau de l’UE. Las ! Elle n’a finalement pas permis de débloquer quoique ce soit : aucune majorité qualifiée n’avait en effet émergé pour ou contre ces demandes d’autorisation.

Cela s’était pourtant joué à peu de choses : douze États membres avaient voté contre la ré-autorisation du MON810, dix pour, et six s’étaient abstenus [2]. S’agissant des autorisations de maïs GM 1507 et Bt 11, treize États membres avaient voté contre, huit pour et sept s’étaient abstenus [3]. Autrement dit, une majorité – numéraire – d’États membres s’était prononcée contre les autorisations.

Faute de majorité qualifiée, il a donc fallu qu’un second vote se tienne, cette fois-ci en Comité d’appel. L’enjeu du vote était important : en l’absence de majorité qualifiée, la Commission devrait prendre la décision finale (autoriser ou ne pas autoriser). C’est finalement ce qui se passera… l’issue du vote en Comité d’appel, qui s’est tenu le 27 mars, ayant été la même que celle du premier vote.

Vote sur la ré-autorisation du MON810
27 janvier 2017 27 mars 2017
Pour République Tchèque, Estonie, Espagne, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Roumanie, Finlande, Suède, Royaume-Uni
Soit 47% de la population européenne
République Tchèque, Estonie, Espagne, Finlande, Pays-Bas, Roumanie, Suède, Royaume-Uni
Soit 34,5% de la population européenne
Contre Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Grèce, France, Irlande, Hongrie, Lettonie, Luxembourg, Pologne, Slovénie
Soit 30,7% de la population européenne
Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Grèce, France, Irlande, Italie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pologne, Slovénie
Soit 43,3% de la population européenne
Abstention Allemagne, Belgique, Croatie, Malte, Portugal, Slovaquie Allemagne, Belgique, Croatie, Malte, Portugal, Slovaquie
Vote sur les autorisation des maïs 1507 et Bt11
27 janvier 2017 27 mars 2017
Pour Estonie, Espagne, Italie, Lituanie, Roumanie, Finlande, Royaume-Uni, Pays-Bas
Soit 33% de la population européenne
Estonie, Espagne, Finlande, Pays-Bas, Roumanie, Royaume-Uni
Soit 30,5 % de la population européenne
Contre Autriche, Bulgarie, Danemark, Irlande, Grèce, Chypre, France, Luxembourg, Lettonie, Hongrie, Pologne, Slovénie, Suède
Soit 32,7 % de la population européenne
Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Grèce, France, Irlande, Italie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pologne, Slovénie, Portugal, Suède
Soit 47,3 % de la population européenne
Abstention Allemagne, Belgique, République Tchèque, Croatie, Malte, Portugal, Slovaquie Allemagne, Belgique, Croatie, République Tchèque, Malte, Slovaquie

Le premier vote depuis l’adoption de la directive opt-out

Les votes des 27 janvier et 27 mars étaient aussi l’occasion de voir si les États membres changeraient leurs habitudes de vote maintenant qu’ils peuvent interdire la culture des OGM sur leur territoire national grâce à la directive opt-out. Les États membres voteraient-ils, comme ils le faisaient auparavant, de telle manière que le résultat aboutisse à une absence d’avis ? Ou les États membres allaient-ils être cohérents avec la mesure d’interdiction prise au niveau national en votant contre l’autorisation de culture au niveau de l’Union européenne ?

Avant le vote qui a eu lieu le 27 janvier, plusieurs États membres avaient annoncé qu’ils voteraient contre ces nouvelles autorisations, en cohérence avec l’interdiction nationale de culture (Autriche, Bulgarie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Luxembourg, et Pologne). Ces États ont effectivement voté contre le 27 janvier et le 27 mars.

Mais tous les États membres interdisant ou restreignant la culture d’OGM sur leur territoire n’ont pas voté contre les autorisations. C’est ainsi que, par exemple, l’Allemagne les Pays-Bas, la Roumanie, ou encore la Croatie se sont soit abstenus de voter, soit ont voté en faveur des autorisations.

Il est cependant intéressant de relever que, depuis l’adoption de la directive opt-out, certains États membres ont changé leur habitude de vote. C’est le cas de la France qui, contrairement à son habituelle abstention, s’est prononcée contre les trois autorisations de culture. Un vote cohérent avec l’interdiction nationale de culture, qu’elle a répété lors du vote en Comité d’appel le 27 mars.

A l’inverse, alors qu’elle s’abstenait habituellement, l’Italie a voté en faveur de l’autorisation de culture le 27 janvier, malgré l’interdiction nationale de culture. De manière intéressante, elle a voté contre les autorisation lors du vote du 27 mars.

La culture des OGM reste très controversée en Europe et une grande majorité de citoyens européens s’y oppose tant pour la culture que pour l’alimentation. Le 6 octobre 2016, le Parlement européen, institution représentant les citoyens de l’UE, s’est d’ailleurs opposé, à une large majorité, aux projets de la Commission d’autoriser les maïs MON810, 1507 et Bt11 [4]. Les Verts au Parlement européen s’inquiétaient également de ces nouvelles autorisations de culture. Ils avaient à cet effet lancé une campagne sur twitter par laquelle les citoyens pouvaient interpeller directement les ministres des États membres pour les inciter à voter contre les autorisations de culture [5].

Quant aux organisations de la société civile, elles craignent que la multiplication des autorisations à la culture d’OGM accroisse le risque de contamination de la nourriture et des semences dans le marché intérieur, et augmente le coût des contrôles internes destinés à prévenir la contamination dans les États qui ont interdit leur culture. Un coût que devraient prendre en charge les agriculteurs et transformateurs qui ne souhaitent pas voir leurs productions déclassées ou étiquetées… et cela, en l’absence de mesures de coexistences efficaces au niveau européen. En France, plusieurs organisations de la société civile [6] avaient interpellé directement les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture pour inciter le gouvernement français à voter contre ces autorisations. Elles souhaitaient que le gouvernement soit cohérent avec l’interdiction de culture prononcée au niveau national, et ce fut donc le cas.

Pas de majorité qualifiée, mais une nette opposition majoritaire

Les résultats du vote du 27 janvier démontraient déjà clairement selon Greenpeace que la Commission est encore loin d’atteindre la majorité qualifiée nécessaire pour l’autorisation des trois variétés de maïs GM et qu’il n’y a toujours pas d’attrait pour ce type de cultures en Europe. La majorité des États membres n’a pas soutenu les projets de décision de la Commission et selon Franziska Achterberg, directrice de la division des politiques alimentaires à Greenpeace, l’absence de majorité qualifiée ne saurait être interprétée par la Commission comme un feu vert, compte tenu de l’opposition générale aux cultures GM des citoyens et des députés [7].

Ce qui était vrai le 27 janvier l’est encore plus le 27 mars. En effet, ce sont encore davantage d’États membres qui se sont prononcés contre les autorisations de culture. Ainsi, alors qu’ils avaient voté en faveur des autorisations le 27 janvier, l’Italie et la Lituanie ont voté contre le 27 mars. Quant au Portugal, le second producteur de maïs GM dans l’UE, il a voté contre les autorisations des maïs 1507 et Bt11 alors qu’il s’était abstenu lors du vote du 27 janvier. Pour la réautorisation du MON810, ce sont donc 14 États membres (contre 12 le 27 janvier) qui ont voté contre. Pour les autorisations des maïs 1507 et Bt11, ce sont 16 États (contre 12 le 27 janvier) qui ont voté contre. Il est vrai que les conditions n’étaient pas réunies pour réunir une majorité qualifiée. Mais l’issue du vote est claire et non-équivoque : les conditions ne sont pas non plus réunies pour qu’une décision d’autorisation, prise par la Commission, recueille le soutien de la majorité des États membres.

À ce jour, seul le maïs transgénique MON810 est autorisé à la culture dans l’Union européenne. 17 gouvernements nationaux, dont la France, et quatre gouvernements régionaux interdisent à l’heure actuelle la culture de plusieurs variétés de maïs génétiquement modifiées sur leur territoire. S’ils viennent à être autorisés, MON810, 1507 et Bt11 pourraient être cultivés dans dix États et deux régions [8].

L’importation également à l’ordre du jour

L’importation d’OGM était également à l’agenda de la réunion du Comité d’appel lundi 27 mars. Les représentants des États membres devaient en effet discuter de l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant ou consistant en – ou produits à partir de – maïs GM. Ce projet d’autorisation d’importation est d’autant plus controversé que la demande d’autorisation, présentée par Syngenta, comporte plusieurs combinaisons. Derrière une seule demande d’autorisation s’en cachent donc plusieurs… [9].

Le contexte particulier du vote du 27 mars

Le contexte du vote du 27 mars était différent de celui du 27 janvier. En effet, entre les deux votes, la Commission européenne a présenté une proposition visant à modifier les règles de « comitologie » afin de réduire les probabilités d’absence d’avis lors des votes en comité d’appel sur des matières sensibles comme les OGM [10]. Afin d’éviter qu’elle se trouve à prendre la décision finale et se trouve en première ligne des critiques, la Commission propose une série de modifications qui visent à pousser les États à assumer plus clairement leur position – pour ou contre. Cette proposition doit encore être discutée par le Conseil et par le Parlement européen.

[2Lors du vote du 27 janvier, ont voté pour  : République Tchèque, Estonie, Espagne, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Roumanie, Finlande, Suède, Royaume-Uni ; ont voté contre  : Bulgarie, Danemark, Irlande, Grèce, France, Chypre, Lettonie, Hongrie, Autriche, Pologne, Slovénie, Luxembourg ; se sont abstenus : Belgique, Allemagne, Croatie, Malte, Portugal, Slovaquie.

[3Lors du vote du 27 janvier, ont voté pour  : Estonie, Espagne, Italie, Lituanie, Roumanie, Finlande, Pays-Bas, Royaume-Uni ; ont voté contre : Autriche, Bulgarie, Danemark, Irlande, Grèce, Chypre, France, Luxembourg, Lettonie, Hongrie, Pologne, Slovénie, Suède ; se sont abstenus : Allemagne, Belgique, République Tchèque, Croatie, Malte, Portugal, Slovaquie.

[4Les résolutions adoptées par le Parlement européen concernaient les trois projets de décisions d’exécution précités (autorisations à la culture) et le projet de décision d’exécution portant sur l’importation de produits contenant ou consistant en – ou produits à partir de – maïs GM, voir résolutions adoptées par le Parlement européen.

[6Confédération paysanne, Les amis de la Terre, Attac France, Attac Var, Réseau Semences Paysannes, Greenpeace France, Mouvement de l’Agriculture Biodynamique, Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, UNAF, Nature&Progrès France.

[7Greenpeace EU Unit, Commission fails to muster support for 3 GMOs, 27 janvier 2017.

[8République Tchèque, Estonie, Finlande, République d’Irlande, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Espagne, Suède, Royaume-Uni ; Régions flamande et de Bruxelles Capitale.

[9Plus précisément, la discussion – et vote éventuel – portait sur le projet de décision d’exécution d’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du (ou consistant en – ou produits à partir de) maïs GM Bt11× 59122 × MIR604 × 1507 × GA21, et de maïs GM combinant deux, trois ou quatre des évènements Bt11, 59122, MIR604, 1507 GA21.

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