n°141 - septembre / octobre 2016

Cantines sans OGM, quelle réalité ?

Par Marie Cheruy

Publié le 23/08/2016

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Où en est le « sans OGM » en restauration scolaire ? Tel était le thème d’une enquête réalisée par Inf’OGM durant l’été 2016.

Interdire les OGM se résume souvent pour les collectivités à éliminer les produits étiquetés OGM de leurs commandes. Or, dans l’Union européenne, les plantes génétiquement modifiées (PGM) sont utilisées majoritairement pour nourrir les animaux d’élevage que nous consommons sous forme de viande, produits laitiers ou œufs, produits qui, eux, ne sont pas étiquetés.

Une démarche globale

Aucune des collectivités interrogées ne s’intéressait à la seule problématique des OGM. Celles qui se préoccupent de cette question se sentent en effet également concernées par l’ensemble des aspects durables de l’alimentation, un concept qui mixe différemment, selon les cuisines collectives, des produits bio, locaux, issus de circuits courts, ou de la pêche responsable…

Contrairement à ce qui existe en bio, il n’y a pas en France de visuel unique assorti d’un cahier des charges imposant des contrôles spécifiques pour le « sans OGM », ce que regrettent les collectivités interrogées. Ces contrôles sont assurés par la Direction générale de la Concurrence et des Fraudes (DGCCRF) dans le cadre de sa surveillance habituelle des exploitations et des entreprises agro-alimentaires. La mention « nourris sans OGM » que peuvent inscrire les producteurs sur leurs emballages est réglementée mais peu de produits en sont porteurs. Il est donc difficile pour les gestionnaires de restaurants de s’y référer pour déterminer une politique d’achats. Pour être certaines de servir des produits issus d’animaux nourris sans OGM, plusieurs communes (Lannion, Mouans-Sartoux…) font le choix du label bio, qui n’est pas uniquement lié à la volonté d’exclure les OGM des repas : cette démarche répond plus globalement à un souhait de protéger la santé et l’environnement.

Dans notre échantillon (cf. encadré ci-dessous), nous avons pu constater que les communes les plus avancées étaient généralement celles qui avaient fait le choix de ne pas déléguer la gestion et la préparation des repas. Exception notable, le 2e arrondissement de Paris, qui délègue la restauration scolaire, mais atteint 86% de produits bio et n’achète que de la viande labellisée (Label Rouge ou bio), ce qui ne signifie pas toujours absence d’OGM. La mairie du 2e arrondissement interdit également les OGM étiquetés (donc très peu de produits au final).

Repères


En France, un milliard de repas par an sont servis par 47 500 établissements de restauration scolaire.

Selon l’Agence Bio, début 2016, 58% des établissements de restauration scolaire proposaient des produits bio contre 46% en 2011 et 4% en 2006. 60% des établissements en gestion directe proposent du bio, ceux en gestion concédée sont 53% à le faire.

À Paris, treize arrondissements sur 20 sont en gestion directe. Les 21 collèges publics du Gers sont labellisés « En Cuisine », au moins au niveau 1.

Modalités de l’enquête :

Durée de l’enquête : un mois et demi.

échantillon : 15 collectivités ont été interrogées, dont deux départements (Hautes-Alpes et Gers) et une région (Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées).

Sur les douze communes interrogées, huit ont leurs cantines en gestion municipale directe.

Soutenir la production sans OGM

Plusieurs leviers d’actions peuvent être utilisés par les communes pour améliorer la qualité de leur alimentation. La ville d’Albi (81) conçoit ses marchés publics de façon à ce que seuls les exploitants locaux puissent y répondre tout en se basant sur des critères objectifs afin de ne pas fausser la concurrence. Elle les aide à se conformer aux exigences de la restauration scolaire et dans l’élaboration de nouveaux produits.

Dans son cahier des charges, la commune exige que les viandes soient issues d’animaux nourris sans OGM, élevés en parcours herbeux et/ou nés, élevés et abattus en France.

à Briançon, le choix a été fait d’accompagner la création d’un groupement de producteurs, « Échanges Paysans Hautes-Alpes », qui répond aux appels d’offres. Une partie de la viande seulement est bio. Pour la viande non certifiée, l’alimentation sans OGM des animaux est imposée, avec une vérification documentaire. Passer par un groupement de producteurs a permis de déléguer le contrôle. La restauration scolaire de Briançon est également labellisée « En cuisine » niveau 1 (voir encadré ci-dessous) et propose 30% de produits bio. à Briançon, les nouveaux marchés publics devront bientôt prévoir entre 30 et 50 % de produits bio.

Pour toutes les communes interrogées, l’obstacle à la fourniture en produits issus d’animaux nourris sans OGM n’est pas la question du coût mais de l’absence d’offre. Elles se tournent donc plutôt vers des produits bio ou Label Rouge qui eux représentent un véritable surcoût.

Cantine scolaire
Cantine scolaire
Crédits : Manger sain, ensemble…

Simplifier le « sans OGM » français

Les collectivités méconnaissent souvent la mention « nourris sans OGM ». En outre, le « sans OGM » français dispose de nombreuses formulations différentes, avec des seuils différents et cette complexité ne favorise pas sa compréhension [1]. D’autre part, tous les produits issus d’animaux nourris sans OGM ne sont pas étiquetés comme tels, certains préférant communiquer sur d’autres critères, comme l’AOC Beaufort, qui ne valorise que le terme AOC.

Par ailleurs, de nombreuses collectivités confondent « sans OGM » et « nourris sans OGM ». En effet, elles affirment parfois que leurs menus ne contiennent « aucun OGM » ou qu’ils sont interdits dans leurs marchés publics. Mais une telle interdiction ne se réfère qu’aux produits étiquetés comme contenant des OGM, conformément à la réglementation en vigueur. Les produits issus d’animaux nourris aux OGM ne sont eux-mêmes pas considérés comme étant des OGM et ne tombent donc pas sous le coup de cette obligation. Pour interdire sans ambiguïté possible les produits issus d’animaux nourris avec des OGM (viandes, poissons, œufs et produits laitiers), il est donc nécessaire d’inscrire une clause très claire en ce sens dans le marché public ou le cahier des charges, ce que plusieurs cantines (Briançon, Albi et Angoulême notamment) ont fait.

Un moyen radical, mais néanmoins efficace de valoriser les produits issus d’animaux « nourris sans OGM » serait d’imposer un étiquetage pour ceux qui sont nourris avec de tels aliments. Ce qui n’est pas prévu actuellement par la réglementation européenne.

En France, la mention « sans OGM » n’est pas systématique ni accompagnée d’un visuel unifié, comme c’est le cas par exemple en Allemagne ou en Autriche. Cela nuit à la reconnaissance des produits « sans OGM » qui sont moins visibles que ceux porteurs des Label Rouge ou Bio. Une meilleure visibilité pourrait encourager, comme en Allemagne où la demande en produits certifiés sans OGM est très forte, une structuration des filières, peu développées en France. Cependant, un étiquetage associé à un contrôle rigoureux aurait un coût que ne seraient pas forcément prêts à supporter tous les producteurs et il serait nécessaire de veiller à ce que ce label ne soit pas un moyen supplémentaire offert à l’agriculture intensive pour s’imposer, face à une agriculture paysanne plus respectueuse de l’environnement dans son ensemble.

Améliorer les contrôles

Quand les collectivités font figurer dans leurs marchés publics ou cahiers des charges une clause interdisant explicitement la fourniture d’aliments issus d’animaux nourris avec des OGM, un autre obstacle se présente à elles : comment contrôler le respect de ce critère ? Les contrôles de la DGCCRF sont peu fréquents et ne permettent pas de garantir, selon les gestionnaires de cantines, le respect du « sans OGM ». Et dans les faits, toutes les communes interrogées ne contrôlent que les fiches techniques fournies lors de la passation du marché.

Si un véritable label était créé, les organismes certificateurs accrédités par l’État pour le contrôle du label bio pourraient être également chargés du contrôle du « sans OGM ». En effet, en bio, les OGM sont interdits dans l’alimentation animale. Les organismes certificateurs sont donc habitués à procéder à ce type de contrôles et pourraient le prendre en charge sans trop de difficultés.

Il pourrait également être envisagé de créer une association de producteurs et de consommateurs du même type que Nature & Progrès, avec un système participatif de garantie reposant sur la confiance entre les adhérents.

Promouvoir la mention

A l’instar de l’Agence bio, qui a pour mission officielle de développer, promouvoir et structurer l’agriculture biologique, il nous paraît intéressant de mettre en place une instance de communication du « sans OGM ». Elle accompagnerait les producteurs dans leur démarche vers le « sans OGM », ou les gestionnaires vers l’exclusion des produits issus d’animaux nourris aux OGM dans leurs restaurants…

Pour de nombreuses collectivités, le « sans OGM » n’est pas une fin en soi. Cependant, structurer de telles filières permettrait d’avoir un effet sur la relocalisation en Europe de la production de protéines destinées à l’alimentation animale tant que la culture de protéagineux GM (comme le soja) est interdite en Europe.

Développer les filières sans OGM non bio pourrait constituer un étape vers les filières animales bio. De plus, cela contribuerait à faire baisser le surcoût des produits issus d’animaux nourris sans OGM dû aux mesures prises pour éviter les contaminations. Ainsi, redéfinir et développer le « sans OGM » pourrait être à la fois complémentaire et venir renforcer les filières bio aujourd’hui plébiscitées par la restauration scolaire.

Labelliser la restauration scolaire


Plusieurs mécanismes ont été mis en place pour labelliser la restauration collective et inciter les responsables à améliorer le contenu de l’assiette de leurs convives.

Créé par Ecocert, le label « En Cuisine » s’articule autour de quatre domaines : le recours aux produits biologiques, la provenance des aliments, la qualité de la nutrition et l’impact environnemental de l’activité du restaurant. La progression des restaurants est répartie sur trois niveaux : l’engagement dans la démarche, la confirmation de l’effort accompli, le restaurant exemplaire. Dès le niveau 1, les produits étiquetés OGM sont interdits. Mais les produits issus d’animaux nourris aux OGM ne sont interdits dans aucun des trois niveaux. Contacté, Ecocert a confirmé que cette interdiction était trop difficile à mettre en place à cause de l’absence de certification et de l’absence de filières.

« Mon restau responsable » est un outil mis en place par la Fondation Nicolas Hulot et le Réseau Restau’co à destination des restaurants collectifs qui souhaitent proposer à leurs convives une cuisine saine, de qualité et respectueuse de l’environnement. La démarche, qui repose sur l’engagement volontaire des cantines, comporte plusieurs étapes et la garantie est renouvelée tous les deux ans..

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