n°141 - septembre / octobre 2016

Des OGM commercialisés en France sans étiquetage

Par Pauline VERRIERE

Publié le 21/10/2016

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Les produits alimentaires fabriqués aux États-Unis sont à la mode en France. En témoignent la multiplication des magasins spécialisés à Paris et sur Internet. Or, ces produits ont souvent été élaborés à partir de maïs ou de soja étasuniens, donc très probablement transgéniques. Les consommateurs en sont-ils pour autant informés comme l’exige la réglementation européenne ? Inf’OGM et la CLCV Paris sont allées vérifier.

Les produits alimentaires fabriqués aux États-Unis sont à la mode en France. En témoignent la multiplication des magasins spécialisés à Paris et sur Internet. Or, ces produits ont souvent été élaborés à partir de maïs ou de soja étasuniens, donc très probablement transgéniques. Les consommateurs en sont-ils pour autant informés comme l’exige la réglementation européenne ? Inf’OGM et la CLCV Paris sont allées vérifier.

Dans l’Union européenne, la présence d’OGM dans un aliment destiné à l’alimentation humaine doit être indiquée sur son emballage. La Commission européenne, en 2010, dénombrait une trentaine de produits effectivement étiquetés. Qu’en est-il aujourd’hui ? Inf’OGM et la CLCV Paris, association de défense des consommateurs et des usagers, ont mené l’enquête.

Étiquetage déficient

Nous nous sommes rendus dans plusieurs de ces boutiques spécialisées qui fleurissent dans la capitale pour savoir si la réglementation en matière d’étiquetage des OGM est respectée. Notre enquête a porté sur une dizaine d’enseignes. Les résultats sont aussi aléatoires que surprenants.

Premier constat : épiceries [1], grands magasins [2] et sites Internet [3] commercialisent des produits au mépris de la réglementation en matière d’étiquetage d’ingrédients.

On y trouve plus d’une centaine de références : gâteaux et préparation pour gâteaux, pâtes à tartiner, bonbons, chips, soupes en boîtes… Autant de produits qu’on aperçoit dans les films et séries américaines qui nourrissent l’imaginaire et la curiosité de plus en plus de consommateurs, adolescents en tête.

Un pot de beurre de cacahuètes Reese's étiqueté
Un pot de beurre de cacahuètes Reese’s étiqueté
Crédits : Lily Vergier, Inf’OGM

Bien souvent, la liste des ingrédients n’est même pas traduite en français alors que la réglementation l’exige. Pareil pour certains sites Internet, où cette liste, en français ou en anglais, est même parfois introuvable. N’ayant pas commandé de produits sur ces sites, nous ne savons pas si les produits envoyés sont effectivement étiquetés ou non.

Deuxième constat : que ce soit dans des boutiques spécialisées, dans des magasins plus généralistes, ou sur Internet, l’étiquetage des OGM est très aléatoire. Peu de produits sont effectivement étiquetés comme contenant des OGM, et les produits étiquetés varient d’un magasin à l’autre. La même marque de gâteau à base de beurre de cacahouète (marque Reese’s) est bien étiquetée comme contenant des OGM dans un magasin, mais pas chez son concurrent. Dans la même boutique, tous les produits de cette marque ne seront pas non plus systématiquement étiquetés alors qu’ils contiennent tous notamment du sirop de maïs, un des ingrédients concernés… Interrogé, l’un des vendeurs nous a dit avoir effectivement les étiquettes précisant la présence d’OGM dans le produit dans son arrière-boutique mais de « ne pas avoir pris le temps de les coller ».

Les produits contenant des OGM ne sont donc plus si rares, ni si difficiles à trouver… Mais surtout, ils sont commercialisés en dépit de l’obligation d’informer les consommateurs.

Bonbons Jelly Belly non étiquetés et non traduits
Bonbons Jelly Belly non étiquetés et non traduits
Crédits : Lily Vergier, Inf’OGM

La DGCCRF alertée

Notre objectif n’était pas d’être exhaustif mais d’alerter sur l’existence d’un manquement grave à la réglementation. Suite à cette enquête, nous avons adressé à l’ensemble des magasins visités un courrier rappelant la réglementation et surtout les risques encourus en cas de manquement à l’étiquetage (voir encadré ci-contre). Nous avons aussi adressé un courrier à la DGCCRF, en charge du contrôle de la réglementation sur l’étiquetage, demandant de réaliser des contrôles plus systématiques et d’engager les poursuites nécessaires en cas de manquements avérés à la réglementation.

Un des sites Internet de vente précise « peut contenir des OGM ». Bel effort qui n’est toutefois pas conforme à la réglementation. Le doute suscité par cette formule n’apporte en effet aucune information claire au consommateur.

D’ici quelques mois, nous retournerons dans les magasins pour voir si un étiquetage a effectivement été mis en place. Et envisager des suites si ce n’était pas le cas…

Les produits ciblés par l’enquête

Notre attention s’est portée sur les produits alimentaires importés des États-Unis où, en 2016, plus de 90% du maïs et du soja cultivés étaient GM. La majorité des produits américains contiennent donc des OGM. 

Nous avons recherché des produits de la marque Campbell, qui a décidé d’étiqueter ses produits vendus aux États-Unis, et Reese’s qui a lancé certains produits sans OGM pour répondre à la demande des consommateurs américains. Nous avons également cherché des produits contenant les ingrédients fortement suspectés d’être GM : des produits de la marque Fluff (pâte à tartiner à base de marshmallow), céréales Lucky Charms et gâteaux PopTarts de Kellogs. Cet échantillonnage nous a permis de réaliser plus facilement notre enquête, mais les produits concernés sont bien plus nombreux et surtout, ne sont pas limités aux produits en provenance des États-Unis. D’autres produits en provenance d’autres pays peuvent être concernés.

Sur ce point, la CLCV Paris et Inf’OGM ont également interpellé la DGCCRF.

Denrées alimentaires non étiquetées, les risques encourus


Un étiquetage erroné est puni d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 euros par produit non conforme (article R. 451-1 du Code de la consommation). Et la récidive, jusqu’à 3 000 euros.

En cas de mauvaise foi de l’opérateur, des sanctions pénales peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et/ou 300 000 euros d’amende (article L. 121-2 et L. 132-2 du Code de la consommation).

[1Chelsea Store XII°, Cometoshop XII°, épicerie Anglaise X°, Thanksgiving IV°.

[2Le Bon Marché, le BHV, Monoprix des Champs élysées, Marks & Spencer (pour cette enseigne, nous n’avons trouvé aucun produit importé des États-Unis).

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