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France – OGM, HCB et société civile : la coexistence est-elle possible ?

Par Christophe NOISETTE, Pauline VERRIERE

Publié le 06/04/2016

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De très nombreuses organisations de la société civile et paysannes– dont certaines avaient suspendu leur participation aux travaux du HCB [1] – ont appelé à un pique-nique convivial pour manifester contre la « censure du Haut conseil sur les biotechnologies [2] » (HCB), le 6 avril. A cette date, était en effet prévue l’Assemblée plénière de ce Conseil, censé éclairer le gouvernement de façon plurielle et impartiale sur tous les enjeux liés aux biotechnologies. Suite à cet appel à manifester, le HCB a décidé d’annuler sa réunion. La manifestation et la conférence de presse ont cependant été maintenues et une centaine de personnes a répondu à l’appel [3]… La coexistence entre HCB et opposants aux anciens et nouveaux OGM est-elle impossible ? Que craignait la direction du HCB ?

Dans le courrier qui informait les membres du HCB, et qu’Inf’OGM a pu se procurer, il est précisé que le HCB a « appris, en effet, qu’en raison de la manifestation organisée (…) par les organisations qui ont suspendu leurs travaux du [Comité économique, éthique et social (CEES)], une mesure de confinement devait être appliquée aux locaux de l’ENGREF où nous devions finalement nous réunir, rendant impossible, par mesure de précaution, l’accès et la sortie du bâtiment entre 11 heures et 16 heures ».

Les associations ont été surprises de ce courrier et se demandent bel et bien pourquoi le HCB n’applique pas ce principe de précaution aux nouveaux OGM… Et si ces mesures de confinement et de précautions sont liées à l’ « état d’urgence » décrété par le gouvernement suite aux attentats, faut-il assimiler les défenseurs des semences paysannes, reproductibles et non brevetés, à une menace ? Si oui, pour qui ? Pour quoi ? Pour l’industrie semencière et l’innovation ? Le HCB ne devrait-il pas décréter l’état d’urgence agronomique et exposer sur la place publique les questions cruciales qui ont été discutées en catimini et qui pourtant risquent de modifier durablement l’agriculture française et européenne ?

Le but de cette manifestation aux portes du HCB est, pour les organisateurs, de dénoncer, à nouveau, le fait qu’une opinion divergente n’a pas été publiée comme le recommande pourtant le règlement intérieur du HCB… mais aussi et plus largement de souligner que les nouveaux OGM doivent être traités comme les OGM transgéniques. Et si on prend le cas des plantes tolérant les herbicides, cette caractéristique est-elle plus légitime si elle est induite par mutagénèse ou par transgenèse ? En amont des débats aux HCB, les citoyens peuvent légitimement poser la question fondamentale de l’agriculture qu’ils souhaitent avant que les « experts » discutent, technique par technique, cas par cas, de leurs avantages et des risques afférents…

L’annulation de l’Assemblée plenière du HCB dans un contexte tendu ne présage rien de bon quant à la capacité de cette instance à écouter la société civile…

Est-il possible de faire coexister les questions de la société civile, les intérêts à court terme des industriels et les découvertes scientifiques ? Le gouvernement, destinataire final des travaux du HCB, devrait en tout état de cause regarder de plus près ce qui se passe dans cette instance. Pour Daniel Evain, représentant de la FNAB au HCB, « il ne semble pas envisageable pour les structures qui ont suspendu leurs travaux au sein du HCB, d’y revenir à moins de la publication de l’avis divergent d’Yves Bertheau et d’une sérieuse remise en cause des processus internes au HCBt ». Certains manifestants souhaitent souligner le déficit démocratique de cette instance d’évaluation – et en particulier de son comité scientifique – qui au final se réduit à poser des questions techniques pour accompagner la mise en œuvre d’une technologie présentée comme inéluctable… alors que les enjeux sont bien en amont. Un rapport sur l’évaluation globale et l’éthique a été récemment publié sur le site du ministère de l’Environnement [4], qui pose des questions fondamentales pour l’avenir du débat sur la techno-science. Le gouvernement prendra-t-il le temps de le lire ?

[1Les Amis de la Terre, La Confédération Paysanne, Le Conseil National des Associations Familiales Laïques, La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, France Nature Environnement, Greenpeace, le Réseau Semences Paysannes, l’Union Nationale des Apiculteurs Français

[3Le rendez-vous était à 12h, devant les locaux d’AgroParisTech, 19 rue du Maine, dans le 15° arrondissement, à Paris

[4article Inf’OGM à venir

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