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ÉTATS-UNIS – Comment (ne pas !) étiqueter les OGM…

Par Pauline VERRIERE

Publié le 20/01/2016

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Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a publié ses recommandations concernant l’étiquetage des produits avec et sans OGM. Un avis qui ne devrait pas bouleverser les pratiques déjà existantes, ces recommandations n’étant, par définition, pas obligatoires. Mais elles sont surtout ambiguës.

En novembre 2015, la Food and Drug Administration (FDA) [1] a publié ses recommandations concernant l’étiquetage des produits alimentaires vis-à-vis des OGM. Elle officialise ainsi la position sur laquelle elle travaillait depuis 2001, à travers des projets de lignes directrices. Non contraignantes, ces recommandations ne devraient pas changer fondamentalement les pratiques déjà en cours. Elles ajoutent cependant un peu plus de confusion pour les consommateurs et entreprises qui souhaitent faire du ’’sans OGM’’.

Interrogée par Inf’OGM, Megan Westgate, directrice exécutive de l’ONG Non GMO Project [2] estime en effet que ces lignes directrices sont « dépassées, imprécises et prêtent à confusion  » et de poursuivre : « l’objectif premier de lignes directrices sur l’étiquetage devrait être celui d’assurer que les étiquetages soient clairs et compréhensibles pour les consommateurs américains, mais ces nouvelles lignes directrices découragent l’utilisation du terme le plus couramment utilisé ’’non OGM’’ à la faveur de formules archaïques telles que ’’not bioengineered’’ (sans bio-ingénierie) ».

Aux États-Unis, la présence éventuelle d’OGM dans la composition des denrées alimentaires n’est pas obligatoirement reflétée sur l’étiquette. Pas plus qu’il n’existe de réglementation pour encadrer le ’’sans OGM’’. Des initiatives privées voient le jour pour pallier cette absence et répondre à la demande toujours plus importante des consommateurs en produits sans OGM.

OGM ou non-OGM : ingrédients par ingrédients

La FDA apporte un éclairage sur la marche à suivre pour cet étiquetage volontaire. Dans les deux cas (OGM et non OGM), un tel étiquetage est possible pour autant qu’il ne soit pas faux, ni trompeur pour le consommateur. Tout est donc dans l’interprétation de ce qui peut être perçu comme trompeur. La FDA donne ainsi différents exemples pour illustrer sa vision d’un étiquetage qui ne serait pas trompeur.

Premièrement, l’étiquetage ne doit pas laisser entendre que l’absence ou la présence d’OGM serait plus saine ou plus nutritive qu’un autre produit équivalent.

Ensuite, selon la FDA, il n’est pas non plus recommandé de préciser de manière globale qu’un aliment est ’’sans OGM’’ pour l’un des ingrédients, si au moins un autre des ingrédients, lui, est génétiquement modifié. La FDA préconise que l’étiquetage identifie clairement l’ingrédient effectivement sans OGM, pour que le consommateur ne considère pas, à tort, que l’absence d’OGM concerne l’ensemble du produit. Si l’étiquetage ne laisse pas entendre que c’est tout le produit qui est sans OGM, il n’est donc pas trompeur dans l’esprit de la FDA de préciser que tel ingrédient est ’’sans OGM’’ et de passer sous silence que tel autre est génétiquement modifié.

Il serait également considéré comme trompeur de prétendre qu’« aucun des ingrédients de ce produit n’est issu de biotechnologie » si l’un des ingrédients ne peut pas être issu d’OGM. La FDA donne comme exemple le cas du sel qui, simple molécule de chlorure de sodium (NaCl), ne peut contenir d’ADN et ne peut donc être génétiquement modifié. Un exemple révélateur : rares doivent être les produits transformés exempts de sel… Là encore, il est préférable selon elle de bien identifier les ingrédients concernés par l’absence de biotechnologies. Les produits transformés dès lors qu’ils contiennent du sel, ne devraient donc pas pouvoir bénéficier d’un étiquetage global, mais plutôt ingrédient par ingrédient. Un étiquetage donc plus difficilement lisible pour le consommateur et moins valorisant pour le producteur. Sur ce point, la France a légiféré autrement (voir ci-dessous).

Le sans OGM en France


Pour rappel, le sans OGM français appliqué aux produits manufacturés dont l’ingrédient principal doit représenter au moins 95 % du poids total du produit exclut de ce pourcentage l’eau et le sel…

La réglementation française ne permet pas l’étiquetage ’’sans OGM’’ des produits issus de végétaux pour lesquels il n’existe pas d’équivalent génétiquement modifié (GM) (si le haricot vert GM n’existe pas, les producteurs de haricots verts ne peuvent se prévaloir de faire du sans OGM [3]. La recommandation de la FDA est ici un peu différente : elle ne parle pas de l’existence d’un équivalent GM mais de la possibilité de produire un ingrédient via une modification génétique.

Concernant l’étiquetage des produits contenant des OGM, la FDA recommande là encore d’étiqueter ingrédient par ingrédient, et déconseille donc l’étiquetage ’OGM’ global du produit. La FDA estime en effet que cet étiquetage global pourrait être trompeur s’il laissait croire que c’est l’ensemble du produit qui est concerné. Au consommateur donc d’être plus vigilant sur cet étiquetage moins visible.

L’entreprise agro-alimentaire Campbells [4] s’est positionnée en faveur d’un tel étiquetage et envisage de l’apposer sur ces produits. À moins de devenir obligatoire, un tel étiquetage a néanmoins peu de chance d’être utilisé sur beaucoup de produits…

Si le producteur veut se prévaloir de la qualité particulière d’un ingrédient parce qu’il est issu d’OGM, encore faut-il que cet ingrédient représente une part significative dans le produit. Mais la FDA ne précise pas à partir de quel pourcentage la présence de cet ingrédient GM devient significative pour que l’industriel puisse se vanter de sa présence.

Non OGM : des allégations complexes pour ne pas tromper ?

Alors que plusieurs centaines de producteurs l’utilisaient pour de nombreux produits, la FDA ne recommande pas les formules ’’sans OGM’’ (GMO free, GE free) ou ’’non-OGM’’ qui, selon elle, impliquent une absence totale d’OGM dans le produit. Elle retient des formulations plus complexes, moins compréhensibles pour les consommateurs et moins évidentes pour les producteurs à caser sur un emballage : ’’not bioengineered’’, ’’not genetically engineered’’, ’’not genetically modified through the use of modern biotechnology’’ (pas génétiquement modifié par l’usage de biotechnologie moderne). Ses recommandations portent sur l’utilisation générale des allégations, que les industriels veuillent l’utiliser ingrédient par ingrédient comme le recommande la FDA, ou pour l’ensemble du produit. Parce que les recommandations de la FDA sont non contraignantes, les producteurs n’auront pas l’obligation de changer leurs pratiques (sauf si, comme déjà précisé, l’étiquetage retenu est faux ou trompeur).

Selon l’association Non GMO Project, cette terminologie correspond à celle retenue par la FDA au début de ses réflexions sur le sujet il y a 14 ans. Une époque à laquelle l’intérêt du public pour le débat sur les OGM n’était pas aussi prononcé qu’aujourd’hui. « Il est irresponsable et trompeur de la part de la FDA de finaliser ces lignes directrices sans même ouvrir une nouvelle consultation publique sur le sujet. Il est également trompeur d’encourager l’utilisation d’allégations que les consommateurs américains ne reconnaîtront pas ou ne comprendront pas, alors que des dizaines de milliers de produits arborent le label ’’sans OGM’’ ».

Une autre proposition concernant l’étiquetage a vu le jour, il y a quelques mois, dans le cadre des discussions au Congrès étasunien sur une loi fédérale sur l’étiquetage des OGM [5]. Certains sénateurs ont proposé une solution qui voulait mettre tout le monde d’accord : informer les gens sans dénigrer les produits.

Les QR codes : une solution miracle ?

Les QR codes [6] sont surtout une solution qui ne satisfait pas du tout les partisans d’un étiquetage obligatoire des OGM. Le Center for food safety compare ironiquement les deux modalités d’information, QR code et l’allégation « sans OGM » : via un code barre [7], cela implique d’avoir un téléphone connecté, ouvrir l’application, faire la mise au point sur le code barre, attendre que la page Internet se charge (pour autant qu’il y ait une connexion Internet), lire l’information et renouveler l’opération pour chaque produit… ; ou alors, lire simplement deux mots sur l’emballage d’un aliment !

L’association dénonce l’inégalité d’accès à l’information que génèrerait ce procédé ainsi que le risque que les données ainsi collectées soient réutilisées par les entreprises à des fins de prospection et de marketing. Le tout sans assurer une véritable transparence pour le consommateur.

Un débat qui a encore de beaux jours devant lui et qui prend de plus en plus d’importance tant au niveau des entreprises que des citoyens.

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