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OGM : pris de vitesse par la Commission européenne, le Parlement s’oppose malgré tout aux autorisations

Par Eric MEUNIER

Publié le 16/12/2015

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Habituée à être critiquée pour sa lenteur à gérer les demandes d’autorisations d’OGM, la Commission européenne vient de montrer qu’elle peut aussi faire preuve de célérité. Le 4 décembre 2015, elle a ainsi autorisé [1] [2], à l’importation pour l’alimentation humaine et animale, deux maïs génétiquement modifiés (GM) de Monsanto (NK603*T25 [3] et MON87427 [4]). Une célérité d’autant plus remarquée que la Commission européenne savait que trois jours plus tôt, le 1er décembre 2015, la Commission « environnement » du Parlement européen avait proposé au Parlement européen d’exprimer son opposition à l’autorisation du maïs NK603*T25… Et mercredi 16 décembre, pour la seconde fois dans le dossier OGM, le Parlement européen a voté en faveur de cette opposition. Un vote symbolique qui isole encore plus la Commission.

Le 4 décembre 2015, la Commission européenne a autorisé à l’importation pour l’alimentation humaine et animale deux maïs GM, lesquels ont été génétiquement modifiés pour tolérer des herbicides à base de glyphosate (NK603 et MON87427) et de glufosinate d’ammonium (T25). Le 16 décembre, le Parlement européen votait contre cette autorisation. Inf’OGM, qui suit le dossier des autorisations depuis plus de 15 ans, note que la Commission européenne a fait part d’une célérité peu commune dans la gestion de ces deux plantes transgéniques et que le Parlement s’oppose frontalement à une décision d’autorisation.

Des demandes plutôt « récentes », traitées… plutôt très vite

La demande d’autorisation commerciale pour l’importation du maïs NK603*T25 a été déposée aux Pays-Bas en 2010. Le 24 juin 2015, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) rendait son avis. A partir de cette date, la Commission européenne a mené ce dossier tambour battant, en moins de six mois : les États membres sont invités à se prononcer, d’abord, le 19 octobre 2015, puis, en l’absence de décision, le 10 novembre. Sans surprise, aucune majorité qualifiée ne se dégage, laissant la Commission libre de finaliser la décision, ce qui sera donc fait positivement moins d’un mois après, le 4 décembre.

La demande d’autorisation du maïs MON87427 a suivi le même calendrier : dépôt de la demande en 2012 en Belgique, avis de l’AESA le 19 juin 2015, votes des États membres le 14 septembre 2015 puis le 10 novembre 2015, absence de majorité qualifiée, décision finale par la Commission européenne le 4 décembre.

Mais ce dossier a une autre caractéristique de calendrier : le 14 septembre, ont été présentés aux États membres l’avis de l’AESA et la proposition d’autorisation de la Commission européenne qui en découle. Même si les États membres avaient eu accès à l’avis de l’AESA dès début juillet, la Commission européenne les mettait dans une position pour le moins aberrante, celle de devoir voter une proposition d’autorisation quelques minutes après que leur aient été présentés les arguments scientifiques à l’appui de cette proposition ! Le compte-rendu de la réunion témoigne d’ailleurs que « plusieurs États membres ont commenté [ce calendrier]. La Commission a rappelé aux États membres qu’il n’existait aucune obligation légale à demander le vote lors d’une autre réunion »…

Le Parlement européen, pris de vitesse, s’oppose quand même

Le 1er décembre, soit trois jours avant la décision d’autorisation prise par la Commission européenne, la commission « Environnement » du Parlement européen adoptait une résolution pour que le Parlement demande à la Commission de ne pas autoriser le maïs NK603*T25 et de suspendre toutes les procédures de demande d’autorisation commerciale à l’importation [5]. Comme en 2013, lors du débat sur le maïs TC1507, le Parlement européen a utilisé la possibilité d’émettre une objection lorsqu’il considère que la Commission européenne « soumet une proposition de décision qui outrepasse les pouvoirs qui lui sont conférés par la réglementation européenne » [6]. Selon nos informations, la Commission « environnement » a donc décidé de proposer au Parlement européen de faire valoir ce droit sur le dossier du maïs NK603*T25. A la base de cette décision, la commission « Environnement » note que ce maïs a été génétiquement modifié pour tolérer des herbicides dont le principe actif, le glyphosate, a été classé comme probablement cancérigène par le Centre international de recherche sur la cancer [7] de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Elle souligne également que la Commission européenne se plaint du manque de décision de la part des États membres, qu’un débat politique est en cours autour d’une possibilité pour les États membres d’interdire nationalement les importations d’OGM – possibilité que le Parlement européen a rejeté récemment [8] – et enfin que le système d’autorisation lui-même ne fonctionne pas comme l’a montré le cas des OGM autorisés alors même que la modification génétique effectivement contenue dans la plante n’a pas été correctement déclarée [9]. La Commission « environnement » propose donc au Parlement de s’opposer à l’autorisation du maïs Nk603*T25 mais également de suspendre toute autorisation d’importation d’OGM tant que la législation n’aura pas été revue.

Pour José Bové, eurodéputé vert, il est « impensable d’autoriser un maïs OGM tolérant au glyphosate alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au terme d’une étude transparente, intègre et solide scientifiquement, considère cette substance comme cancérigène probable. Les procédures européennes d’évaluation des OGM doivent être revues pour devenir totalement indépendantes de l’industrie ». De son côté, pour Michèle Rivasi, eurodéputée verte également, les députés ne siègent pas « au Parlement européen pour approuver béatement les décisions de la Commission européenne et augmenter les profits de Monsanto ».

Anticipant le vote du Parlement européen sur cette proposition d’objection prévu le 16 décembre, la Commission européenne a donc finalisé le dossier. Selon Enrico Brivio, porte-parole de la Commission européenne interrogé par Inf’OGM, « la Commission européenne a clairement expliqué, le 1er décembre, à la commission Environnement [du Parlement européen] ne pas avoir outrepassé ses pouvoirs ». Rappelant les différentes étapes franchies lors de la procédure, la Commission considère qu’il n’y avait dès lors « aucune raison de suspendre la procédure d’autorisation qui était proche d’aboutir ». Et tant pis pour l’avis du Parlement européen…

Le 16 décembre, 403 députés ont voté en faveur de la proposition d’objection de sa commission Environnement (238 votes contre et 50 abstentions). Ce vote est un symbole politique fort. Si la Commission se plaignait que les États membres ne prennent pas leur responsabilité dans le dossier OGM en s’abstenant de voter pour ou contre les autorisations, la voilà aujourd’hui face à un acteur qui prend les siennes. Et qui lui demande clairement de suspendre toute autorisation d’importation d’OGM ! Mais le Parlement européen n’a pas de pouvoir légal contraignant dans la gestion des autorisations. Au mieux a-t-il la possibilité de marquer son désaccord comme il vient de le faire.

Ce n’est pas la première fois que le Parlement européen choisit de s’opposer à une autorisation. Le 16 janvier 2014, il s’était positionné contre l’autorisation du maïs TC1507 à la culture. Le vote avait eu lieu, en 2014, avant que la procédure d’autorisation ne soit finie. Le Parlement européen demandait déjà à la Commission européenne « de ne pas proposer l’autorisation de nouvelles variétés d’OGM et de ne pas renouveler les anciennes autorisations tant que les méthodes d’évaluation des risques n’auront pas été nettement améliorées » [10]. Une demande renouvelée donc aujourd’hui.

Les prochains mouvements de la Commission européenne sur les dossiers d’autorisation risquent d’être particulièrement suivis pour voir si elle respecte ou non le vote du Parlement européen.

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