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États-Unis : le saumon OGM autorisé

Par Christophe NOISETTE

Publié le 04/04/2019

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Le 19 novembre 2015, l’agence étasunienne en charge de l’alimentation (FDA, Food and Drug administration) accepte finalement d’autoriser le saumon génétiquement modifié de l’entreprise AquAdvantage pour la consommation humaine [1]. Fin janvier 2016, la FDA fait volte-face et suspend l’autorisation. Le 30 mars 2016, plusieurs organisations environnementalistes déposent une plainte contre cette autorisation. Le 9 mars 2019, la FDA retire son « alerte ». Le saumon transgénique peut désormais être élevé et vendu aux États-Unis.

Le saumon, développé par AquaBounty Technologies (dont l’actionnaire principal est the Intrexon Corporation), a été modifié pour grandir quatre fois plus vite. Mais selon de nombreuses publications scientifiques, dont l’étude publiée en 2002 dans la revue American Society of Animal Science, l’hormone de croissance, produite par transgenèse, aboutit à plusieurs dégâts collatéraux. Ainsi, ces animaux ont une tendance supérieure aux autres à devenir diabétiques et les poissons d’AquaBounty devront probablement être vendus sous forme de filets ou dans des plats cuisinés du fait de leurs difformités. De nombreuses voix s’étaient donc élevées pour dénoncer les risques tant environnementaux que sanitaires [2] [3] [4]. Il s’agit du premier animal transgénique autorisé au niveau mondial pour la consommation humaine.

D’autres animaux GM avaient déjà été autorisés comme des poissons d’aquarium [5] et le moustique transgénique pour lutter contre la dengue au Brésil [6].

La FDA conditionne l’autorisation

La FDA a cependant conditionné son autorisation au fait d’élever ces saumons génétiquement modifiés uniquement « à terre », dans des bassins d’éclosion fermés, dans deux installations spécifiques au Canada (à Souris, île du Prince Edward [7]) et au Panama. Autrement dit, l’autorisation « ne permet pas que ce saumon soit conçu et élevé aux États-Unis ».

Malgré cette précaution, l’opposition continue tant de la part de certaines collectivités territoriales que d’entreprises agro-alimentaires. Elles sont une soixantaine – comme Subway, Whole Foods, Trader Joe’s ou Kroger [8] – à avoir annoncé qu’elles ne souhaitaient pas vendre ce saumon transgénique sur leur étal. Ainsi, dernièrement, CostCo, deuxième plus grand détaillant étasunien qui, d’après Reuters, achète chaque semaine 272 tonnes de saumon, a annoncé qu’il s’engageait à ne pas commercialiser ce « Frankenfish ».

Lors des consultations liées à la procédure d’autorisation, la FDA a reçu plus de deux millions de messages opposés à l’autorisation de ce saumon transgénique. Et plusieurs états étasuniens avaient souhaité l’interdire sur leur territoire, comme la Californie [9] ou l’Alaska [10].

La FDA suspend l’autorisation

La mobilisation a porté ses fruits. La sénatrice de l’Alaska, Lisa Murkowski [11] a en effet réussi à suspendre l’autorisation de ce saumon transgénique, « jusqu’à ce que la FDA publie des lignes directrices en matière d’étiquetage pour informer les consommateurs finaux ». Concrètement, cette suspension passe par un certain nombre d’amendement (section 761) dans une loi de finance générale [12].

Cette loi prévoit donc un budget de 150 000 dollars qui englobe les salaires et autres dépenses pour permettre à la FDA de mettre au point ces lignes directrices et « mettre en œuvre un programme visant à communiquer aux consommateurs que le saumon en vente est une variété génétiquement modifiée ».

Certains observateurs estiment que ce processus de lignes directrices peut prendre des années.

La FDA a envoyé le 29 janvier une alerte [13] qui précise que « tout envoi suspecté ou connu de saumon GM ou de produit composé entièrement ou en partie de saumon GM doit être signalé aux autorités compétentes ».

AquaBounty a précisé dans un communiqué de presse [14] que cette alerte de la FDA ne changeait rien à la stratégie de l’entreprise car elle « n’importe pas actuellement [son] saumon aux États-Unis ».

Cette suspension peut paraître tout à fait surprenante. En effet, aux États-Unis, jusqu’à présent, aucun produit issu d’OGM ne doit obligatoirement faire l’objet d’un étiquetage spécifique. La FDA a d’ailleurs publié récemment des lignes directrices sur l’étiquetage OGM et non OGM [15] qui ne semblait pas remettre en cause le cadre politique général. Ces lignes directrices vont-elles conduire à un étiquetage obligatoire du saumon GM et de ses produits dérivés ? La FDA a juste obligation de mettre au point des lignes directrices, mais le combat pour la transparence du consommateur a, selon la sénatrice Murkowski, marqué un point.

Une autorisation attaquée en justice

Le 30 mars 2016, plusieurs organisations environnementalistes dont The Center for Food Safety, Food and Water Watch, et Friends of the Earth, ont déposé une plainte auprès du tribunal fédéral de Californie contre l’autorisation accordée par la FDA au saumon transgénique d’AquaBounty [16]. Elles estiment que l’évaluation des risques environnementaux et socio-économiques de ce saumon GM « était extrêmement limitée », qu’elle ne permet donc pas d’innocenter ce saumon. De nombreux documents ont été ignorés au cours de la procédure d’autorisation [17]. Elles considèrent aussi que la FDA n’est pas l’autorité compétente pour réglementer les animaux transgéniques. Cette plainte vise donc à interdire à la FDA de prendre de telles décisions tant que le Congrès n’aura pas donné un mandat précis à cette agence. La FDA, rapporte Reuters [18], n’a pas souhaité commenter cette plainte.

Au Japon, le Seikatsu Club, une organisation de consommateurs, a, elle aussi, dénoncée cette autorisation qu’elle qualifie d’ « irresponsable ».

Mars 2019 : la FDA retire son interdiction

Le 9 mars 2019, la FDA a levé son moratoire sur la vente de ce saumon transgénique [19]. En effet, fin 2018, le ministère étasunien à l’Agriculture (USDA) a adopté une loi qui rend l’étiquetage des OGM en partie obligatoire, selon des modalités qui ne font pas l’unanimité [20]. La suspension décrétée par la FDA était conditionnée à la mise en place d’un étiquetage de ce saumon. L’entreprise AquaBounty, une filiale d’Intrexon [21], prévoit de commercialiser ses premiers saumons élevés aux États-Unis en septembre 2020. En avril 2018, la FDA a donné son accord pour la première usine piscicole dédiée à ce saumon OGM, située dans l’Indiana [22].

[7Plusieurs associations écologistes canadiennes dont Ecology Action Centre et Living Oceans Society avaient attaqué en justice l’autorisation donnée en 2013 pour la production d’œufs de saumon GM sur cette île. Le 6 janvier 2016, le juge fédéral Russel W. Zinn a considéré cette autorisation comme « raisonnable », même s’il a cantonné cette production à cette seule et unique usine de Souris.

[12Le 2016 Omnibus Appropriations Act fait 2009 pages.

[16La plainte vise concrètement Sylvia Burwell en tant que secrétaire du département étasunien à la Santé et aux Services humain (U.S. Department of Health and Human Services), la FDA et l’Agence étasunienne en charge de la pêche et de la faune sauvage (U.S. Fish and Wildlife Service).

[22FDA’s Center for Veterinary Medicine, FDA Approves Application for AquaBounty Salmon Facility in Indiana, 26 avril 2018.

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