Actualités

Contaminations de l’alimentation humaine et animale : Inf’OGM vous révèle le contenu des enquêtes de la DGCCRF

Par Pauline VERRIERE

Publié le 27/05/2014

Partager

Courant 2012, la DGCCRF a réalisé deux enquêtes sur le respect de la réglementation en matière d’OGM dans l’alimentation humaine et animale, et publié fin 2013 un compte-rendu plus que succinct sur son site Internet [1]. Inf’OGM, après s’être vu refuser la communication de ces enquêtes au motif de leur non communicabilité, avait saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) [2]. Or, la veille de l’examen de notre demande par la CADA, la DGCRRF nous envoyait les deux études en question, que nous avions demandées cinq mois plus tôt. Et quelle surprise de constater que ces deux notes d’information portent dans leur intitulé même la mention « communicable au sens de la loi du 17 juillet 1978 ». Dommage que la DGCCRF ait attendu que nous lancions une procédure pour effectivement s’en rendre compte et espérons qu’elle en prenne note pour nos prochaines demandes.

Inf’OGM vous livre les détails de ces enquêtes qui révèlent un certain nombre d’anomalies (OGM non autorisés ou non étiquetés…) à la fois dans l’alimentation animale et l’alimentation humaine.

En 2012, la DGCCRF a mené deux types de contrôles :

- son enquête annuelle, avec comme objectif le contrôle de la présence d’OGM non autorisés et le respect de l’étiquetage OGM et « sans OGM » ;

- et des contrôles ciblés, suite à des alertes de contaminations lancées par d’autres États membres.

Assiettes à la loupe : les conclusions de la DGCCRF

Dans le cadre de son enquête annuelle tout d’abord, la DGCCRF a visité 119 établissements où 41 produits ont été prélevés et analysés. La majorité de ces établissements étaient suivis dans le cadre d’une première mise sur le marché d’un produit.

Sur ces 41 produits, seuls trois ont été jugés non conformes (soit un peu plus de 7% des analyses). Deux échantillons contenaient un OGM non autorisé : un vermicelle de riz contenant du riz Bt63 ; du pollen de fleurs contenant du colza GT73. Ces produits ont depuis été retirés du marché. Le troisième produit non conforme n’était pas étiqueté comme contenant des OGM malgré une présence supérieure à 11,4% (farine de maïs importée du Mexique contenant plusieurs OGM autorisés dont du maïs NK603) : la DGCCRF a alors procédé à un rappel de la réglementation auprès de l’opérateur français responsable de cette mise sur le marché pour que ce dernier procède à l’étiquetage.

Au-delà de ces analyses de produits, la DGCCRF a également conduit des contrôles documentaires et constaté 17% de non-conformités, principalement concernant l’utilisation de la mention « sans OGM » (cf. encadré ci-dessous).

Des analyses ciblées ont concerné des produits à base de riz en provenance de Chine. La DGCCRF rappelle que depuis 2008, suite à plusieurs contaminations par du riz GM en provenance de Chine et non autorisés en Europe, la Commission européenne a mis en place des contrôles obligatoires avant la mise sur le marché, sans pour autant parvenir à éradiquer ces contaminations. En 2011, la Commission européenne a renforcé ces contrôles [3] : chaque lot importé doit être accompagné d’un certificat sanitaire et d’un rapport d’analyse établis par les autorités chinoises attestant de l’absence de riz GM. Les produits satisfaisant cette première condition doivent ensuite faire l’objet d’un prélèvement par les services officiels de contrôle européens. Ne sont mis sur le marché que les produits pour lesquels cette seconde analyse atteste l’absence de contamination. En 2012, sur 18 lots notifiés en provenance de Chine, quatre n’avaient pas les documents obligatoires et ont été refusés. Parmi les 14 autres lots, deux étaient contaminés et ont été refusés (soit un taux de non-conformités de 33%).

Depuis la mise en place de ces mesures, « une baisse des volumes importés de produits du type vermicelles de riz en provenance de Chine a été constatée », les opérateurs privilégiant désormais les importations en provenance de Thaïlande et du Viêt Nam. Six produits en provenance de ces deux pays ont été analysés dans le cadre de l’enquête annuelle sans qu’aucune contamination n’ait été constatée.

Autre cible des contrôles, la papaye, après que l’Allemagne a découvert sur son territoire des papayes GM non autorisées, en provenance de Thaïlande. Sur les treize contrôles de ces fruits en provenance de Thaïlande, neuf ont révélé effectivement la nature génétiquement modifiée des papayes (soit un taux de non-conformités de 69% !). Les fruits ont été retirés du marché, le rappel de produits a été organisé auprès des consommateurs par voie d’affichage dans les magasins ayant commercialisé les papayes, ainsi qu’auprès des clients professionnels. Quatre autres analyses de papayes en provenance d’autres pays (l’enquête ne donne pas plus de précision) n’ont révélé aucune anomalie. Les autorités thaïlandaises ont depuis ordonné la destruction des plantations incriminées et lancé des mesures de contrôle sur leur territoire. Une réaction de la part des autorités thaïlandaises qui pose toutefois question, le pays connaît en effet des problèmes avec la papaye transgénique depuis 2004 [4]. S’agit-il d’une action a minima pour rassurer les autorités françaises et européennes, ou d’un véritablement engagement de fond ? Les prochains contrôles de la DGCCRF nous le diront peut-être.

En conclusion de cette enquête, la DGCCRF constate que les opérateurs limitent en général leur exigence en matière d’OGM au caractère non étiquetable des produits (inférieur à 0,9%) et se reposent sur les contrôles de leur fournisseur sans en réaliser eux-mêmes : « rares sont les opérateurs qui vérifient l’absence d’OGM non autorisés » souligne la DGCCRF. Elle rappelle enfin aux professionnels que la « présence possible d’OGM ne se limite pas aux maïs, soja et colza ».

Alimentation animale : 10% de non-conformité

La DGCCRF rappelle l’importance de l’étiquetage des aliments pour animaux particulièrement pour les filières « sans OGM » et « agriculture biologique ». Mais, souligne-t-elle, l’augmentation des cultures d’OGM dans le monde augmente les risques de contamination. Un constat que partage la FAO dans un récent rapport [5].

Le contrôle a porté en priorité sur des usines de fabrication d’aliments pour animaux, sur les produits qui utilisent l’allégation « sans OGM » (agriculture biologique ou conventionnelle), ainsi que sur ceux contenant des espèces pour lesquelles il existe un « équivalent » GM (soja, maïs et colza). Les contrôles sont réalisés principalement sur des matières en provenance de pays tiers, producteurs d’OGM. Le rapport de la DGCCRF précise que l’Inde et le Brésil sont particulièrement contrôlés du fait de leur culture de soja GM. D’après les sources d’Inf’OGM, si l’Inde produit en effet du coton GM, elle ne produit pas de soja GM, la culture étant interdite sur son territoire [6]. Quelques contrôles ont été effectués sur des produits français et européens pour vérifier d’éventuelles contaminations lors du transport et du stockage.

10% des contrôles pour l’alimentation animale ont révélé une non-conformité « due à une présence trop élevée de soja « Roundup ready » », un chiffre qui reste stable par rapport à 2011 avec néanmoins quelques évolutions (baisse des non-conformités pour les produits composés mais augmentation des anomalies pour les matières premières). Selon la DGCCRF, ces non-conformités « sont davantage dues à une insuffisance des mesures de prévention des contaminations de la part du professionnel qu’à une volonté délibérée de fraude ».

Autre constat, les anomalies concernent principalement les matières premières en provenance de pays tiers « en raison de la présence très faible de cultures OGM en Union européenne ». Les aliments pour animaux issus de l’agriculture biologique ne présentent globalement pas d’anomalie alors que les produits étiquetés comme contenant des OGM et ceux étiquetés « sans OGM » présentent chacun un taux d’un peu plus de 10% d’anomalies.

En 2012, la DGCCRF a fait dix rappels à la réglementation (12 en 2011), rédigé une injonction administrative (même chiffre qu’en 2011) et dressé un procès-verbal (contre 3 en 2011). Elle privilégie dans un premier temps les « suites pédagogiques » et ne met en œuvre des mesures plus coercitives qu’en cas de non-conformité répétée ou de refus de l’opérateur de se conformer à la réglementation.

L’augmentation des anomalies s’explique principalement par « l’extension des cultures OGM, qui entraîne une augmentation des contaminations croisées et des impuretés botaniques dans les matières premières ».

Au-delà de la nouveauté et donc de la complexité de certaines règlementations à mettre en œuvre par les producteurs (comme le « sans OGM »), la DGCCRF souligne avec ces deux études toute la complexité de la coexistence des cultures GM et non GM. Car malgré des mesures relativement strictes, l’Union européenne est régulièrement confrontée à la présence d’OGM non autorisés (et donc non évalués) sur son territoire et dans l’assiette des consommateurs. De l’aveu même de la DGCCRF, les contaminations restent encore relativement rares sur le territoire européen, et le resteront sans doute pour autant que les cultures d’OGM ne s’y multiplient pas…

Il semble légitime que la DGCCRF apporte une attention particulière aux produits « sans OGM » compte tenu de l’attente particulière des consommateurs et de l’importance de ne pas les tromper en la matière. En revanche, le moindre intérêt porté à l’information sur les contaminations des aliments pour animaux (présence d’OGM supérieure à 0,9%) s’explique peut-être par l’absence d’information pour le consommateur de produits animaux et donc d’une probabilité moindre d’être accusé de ne pas effectuer assez de contrôles. Sans cet étiquetage, qu’il y ait eu contamination ou pas, le consommateur n’en saura rien et ne pourra éventuellement éviter les produits concernés.

Le « sans OGM », un étiquetage complexe pour les opérateurs ?

L’enquête de la DGCCRF souligne les nombreuses anomalies dans l’utilisation de l’étiquetage « sans OGM » (14 sur les 17 anomalies documentaires constatées). Il s’agit notamment de l’étiquetage en face avant alors que l’ingrédient concerné ne représente pas plus de 95% du poids total du produit (chocolat et dessert au soja aromatisé). Certains opérateurs n’ont pas précisé le niveau de garantie sur l’absence d’OGM (0,1 ou 0,9%) (œufs et volailles) ou n’ont pas repris les termes exacts de l’allégation de la réglementation française. Enfin, quatre entreprises utilisaient l’allégation « sans OGM » sans apporter les garanties nécessaires de l’absence effective d’OGM. La DGCCRF rappelle que cette réglementation est encore récente, expliquant l’importance des anomalies constatées et que la reconduction de cette enquête permettra de continuer la sensibilisation des opérateurs à ce propos. Si la nouveauté de cette réglementation ne permet pas encore de tirer des conclusions sur la quantité des produits disponibles avec ces mentions, la DGCCRF note toutefois que « certains petits opérateurs locaux ne semblent ni convaincus par l’aspect promotionnel et distinctif de l’allégation « sans OGM », ni être en mesure économiquement de mettre en œuvre un système pertinent de traçabilité et de contrôle de cette affirmation ».

Actualités
Faq
A lire également