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Afrique du Sud : devenu inefficace, le maïs OGM MON810 bientôt retiré de la vente ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 22/05/2014

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Alors qu’en France, le débat sur l’interdiction du maïs MON810 continue, cette plante transgénique est de moins en moins commercialisée en Afrique du Sud. Choix de Monsanto de ne plus la commercialiser ? Choix des agriculteurs de ne plus la cultiver ? Quelque soit la réponse, ce recul est concomitant avec la publication en 2013 d’un article scientifique expliquant pourquoi des insectes résistants à ce maïs MON810 sont apparus, rendant caduc l’intérêt de sa culture. Une réalité de terrain qui pourrait contenir des réponses aux interrogations françaises.

En France, politiques (Assemblée nationale, Sénat, Gouvernement) et militants (pro-OGM et anti-OGM) sont mobilisés sur la question du maïs MON810 et de l’interdiction nationale de sa mise en culture. Le 15 mars, le ministre de l’Agriculture prenait un arrêté en interdisant sa culture. A l’appui de cette décision, le gouvernement français s’est notamment basé sur des éléments montrant « que la culture des variétés de semences du maïs MON810 est susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste l’environnement, ainsi qu’un danger de propagation d’organismes nuisibles devenus résistants, en l’absence de mise en œuvre de mesures de gestion susceptibles de limiter ces risques » [1]. En effet, depuis plusieurs années, il a été montré que certaines cultures de PGM produisant une protéine insecticide (les plantes Bt) favorisaient l’apparition de résistance chez les insectes cibles [2]. Concernant le MON810, cela a été observé récemment en Afrique du Sud. Et cette année, Monsanto annonce que ce maïs pourrait ne plus être commercialisé dans deux ans…

Le MON810 est mort ? Vive le MON89034 !

Monsanto a reçu l’autorisation de commercialiser des semences de maïs MON810 en 1997, deux ans avant que le gouvernement sud-africain adopte sa législation sur les OGM. Et dès 1998, le maïs MON810 est cultivé dans les champs sud-africains. En 2008, selon une ONG sud-africaine, le Centre Africain de Biosécurité (CAB), 80% des semences de maïs GM importées en Afrique du Sud étaient des semences de maïs MON810. Et, selon l’ISAAA (lobby des industries agro-semencières), en 2012, 86% du maïs cultivé en Afrique du Sud était GM. Une progression de surface rapide qui, selon le CAB, pourrait avoir bénéficié de lacunes en matière de précaution et de surveillance des apparitions d’insectes résistants. Le Centre Africain de Biosécurité note d’ailleurs que, dès 2007, la culture du maïs MON810 a commencé à décliner. Or c’est en 2007 également que la première observation d’apparition de résistance à la protéine insecticide exprimée par le maïs MON810 a été renseignée scientifiquement [3]. Selon le Centre Africain de Biosécurité, l’apparition d’insectes résistant à ce maïs a conduit à ce que le maïs MON810 ne soit plus commercialisé par Monsanto à partir de 2012 pour être remplacé par le maïs MON89034 qui exprime deux protéines Cry insecticides différentes : Cry1A.105 et Cry2Ab [4].

Ce constat est corroboré par les recherches de l’équipe du Pr. Van Den Berg de l’Université du Nord-ouest en Afrique du Sud [5]. Les scientifiques ont en effet également constaté que « depuis la saison de culture 2012 – 2013, l’évènement empilé MON89034 […] a été mis en culture sur de larges surfaces en Afrique du Sud afin de tenter de résoudre le problème d’apparition de résistance qui a émergé ces dernières années ». Et par Monsanto qui, tout en infirmant à Inf’OGM que le maïs MON810 n’était plus disponible commercialement, a reconnu que « la demande pour le [maïs MON89034] augmente et il se pourrait que dans deux ans, le maïs MON810 soit dépassé ». Arguant que cette situation soit due aux « progrès et avancées » technologiques, l’entreprise explique que c’est le choix des agriculteurs qui a conduit à « cette migration vers une nouvelle technologie [le maïs MON89034] », un maïs plus durable et plus efficace selon l’entreprise.

Le cas sud-africain peut-il se reproduire en Europe ?

En 2013, soit six ans après avoir découvert que le foreur du maïs était devenu résistant, des chercheurs proposaient une explication quant à la rapidité du développement de ces insectes résistants [6]. Ils montraient que le caractère de résistance à la protéine Cry1Ab chez cet insecte est dominant. Il suffit donc que le mâle ou la femelle soit résistant pour que toute la descendance soit également résistante à la protéine Cry1Ab. Jusqu’à maintenant, une telle résistance avait toujours été considérée comme récessive, impliquant qu’il fallait que le mâle et la femelle soient tous les deux résistants pour que leur descendance le soit aussi. Denis Bourguet, généticien des populations à l’Inra, précisait alors à Inf’OGM « il faut être prudent à ne pas généraliser ces résultats à tous les insectes et à toutes les cultures. La stratégie de la zone refuge reste valable pour d’autres insectes ravageurs comme la pyrale du maïs, autre cible du MON810 ». Et il ajoutait que le principal souci vient du fait qu’on « utilise des variétés produisant des protéines insecticides, efficaces à certains endroits contre certains insectes, dans d’autres endroits, contre d’autres insectes. Les insectes n’ayant pas nécessairement les mêmes caractéristiques écologiques et génétiques, ça peut effectivement déraper ».

Dans l’Union européenne, les entreprises ont, depuis 2001, l’obligation de surveiller les impacts environnementaux, qu’ils aient été prévus ou non, pouvant apparaître après commercialisation. Dans le cas de la culture du maïs MON810, Monsanto fournit des rapports (sans pour autant y être obligé, l’autorisation du maïs MON810 datant d’avant 2001 !). Les rapports des années 2009, 2010 et 2013 ont été analysés par les experts français du Haut conseil sur les biotechnologies. Si pour les années 2009 et 2010, les experts français avaient émis des critiques tant sur la forme que sur le fond [7], leur avis sur le rapport 2013 est plus tranchant : « les conclusions que l’on peut tirer des études présentées sont plus limitées que ne l’indique le rapport, notamment sur le possible développement de résistance chez les insectes cibles » [8]. En clair, la surveillance opérée par l’entreprise ne permet pas de conclure à la non apparition d’insectes résistant au maïs MON810. Côté experts européens, alors que la campagne de mise en culture des maïs a démarré en Europe pour 2014, le rapport de surveillance 2013 n’a pas encore fait l’objet d’un avis.

Consensus ou non autour des raisons du recul du maïs MON810 en Afrique du Sud, ce maïs pourrait donc ne plus y être commercialisé par l’entreprise dans deux ans. Mais le Centre Africain de Biodiversité détaille que Monsanto exporte des semences de maïs MON810 à l’étranger, que ce soit en Europe ou dans d’autres pays d’Afrique. Ces exportations ont pour finalité des essais en champs ou des utilisations confinées. Or, le foreur du maïs est endémique sur le continent africain : l’apparition d’insectes résistant à ce maïs telle qu’elle a eu lieu en Afrique du Sud a donc de fortes probabilités de se répéter dans d’autres pays africains. En Europe, et plus spécialement en France, la question des insectes résistants a aussi été mise en avant par le gouvernement français pour justifier sa décision nationale d’interdiction de la culture du maïs MON810, même s’il ne s’agit pas du même insecte puisque Busseola fusca est endémique de l’Afrique et donc non présent en Europe. Un argument scientifique qui, au vu des données venant de l’étranger et de la surveillance du territoire telle que conduite par Monsanto jusqu’à maintenant, apparaît justifiée.

[3« First report of field resistance by the stem borer, Busseola fusca (Fuller) to Bt-transgenic maize », Van Rensburg, J.B.J., 2007, South African Journal of Plant Soil, 24(3) : 147-151

[4« Africa bullied to grow defective Bt maize : the failure of Monsanto’s MON810 maize in South Africa », octobre 2013, http://www.acbio.org.za/index.php/media/64-media-releases/448-monsantos-failed-sa-gm-maize-pushed-into-rest-of-africa, page 4

[5« Pest resistance to Cry1Ab Bt maize : Field resistance, contributing factors and lessons from South Africa », Van den Berg J. et al., 2013, Crop Protection 54, pp154-160

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