n°128 - mai / juin 2014

La Nouvelle-Calédonie essaime dans le Pacifique sa réglementation sur les OGM

Par Pauline VERRIERE

Publié le 15/05/2014

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Le Pacifique est composé de nombreuses îles, dont la grande majorité constituent des États indépendants. La plupart de ces territoires sont fortement dépendants des importations de denrées alimentaires et de semences en provenance principalement d’Australie, d’Asie et des États-Unis, où les cultures de plantes génétiquement modifiées (PGM) sont déjà bien installées. Dès lors, comment peuvent-ils encadrer les OGM sans avoir à se passer d’importations indispensables à leur économie ? La Nouvelle-Calédonie réfléchit à un tel cadre juridique, en passe d’être définitivement adopté, et cherche à inspirer d’autres territoires qui se trouvent dans une situation similaire.

Bien que territoire français, la Nouvelle-Calédonie dispose d’un statut particulier et d’une certaine autonomie dans de nombreux domaines, dont celui de l’agriculture [1]. De ce statut juridique résultait un flou concernant la question des OGM sur ce territoire où ni le droit français ni le droit européen ne trouvaient à s’appliquer et où la Nouvelle-Calédonie elle-même n’avait rien prévu. Si les plantes génétiquement modifiées (PGM) n’ont pas été considérées comme un sujet prioritaire pendant longtemps, ce n’est plus le cas aujourd’hui, sous l’impulsion d’une association locale, STOP OGM Pacifique, qui a permis l’émergence d’une réglementation.

En février 2014, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a voté deux textes réglementaires. Le premier [2] est un arrêté plus général relatif aux conditions d’importations des produits à risques sanitaires qui comporte quelques dispositions sur les OGM. Il a été adopté et publié au journal officiel le 24 février 2014. Il interdit notamment l’importation de semences génétiquement modifiées en ce qui concerne l’ensemble des céréales (avoine, blé, orge, seigle), soja, maïs et semences fruitières (sans liste de ces semences) autorisées à l’importation en Nouvelle-Calédonie. Si STOP OGM Pacifique salue cette avancée importante, l’association déplore néanmoins que l’interdiction d’importation de semences maraîchères n’ait pas été prise. De même, le texte n’interdit pas l’importation de semences GM de pommes de terre, de tournesol, de luzerne, eucalyptus, plantes ornementales… Pour autant, le texte permet à la Nouvelle-Calédonie de se prémunir contre deux cultures GM, celle du maïs et celle, omniprésente à Hawaï [3], de la papaye. Il interdit également l’importation d’animaux génétiquement modifiés.

Un étiquetage plus strict que dans l’UE ?

Le second texte doit permettre d’imposer un étiquetage des denrées alimentaires de tout produit contenant plus de 0,9% d’OGM par ingrédient. Cette réglementation reprend à son compte le seuil d’étiquetage de la réglementation européenne mais va plus loin en rendant obligatoire l’étiquetage des produits issus d’animaux nourris avec des OGM. C’est également, d’après STOP OGM Pacifique, un bon moyen de promouvoir les produits d’élevages locaux qui sont de fait sans OGM. Ce texte doit encore être examiné par le Congrès d’ici quelques semaines, une fois les élections provinciales passées, mais l’association s’inquiète d’un texte qui interviendrait beaucoup trop tard. Le projet actuel prévoit en effet une entrée en vigueur de l’étiquetage obligatoire en 2017 : une échéance bien trop tardive pour informer les consommateurs, selon STOP OGM Pacifique, qui rappelle que l’Australie compte commercialiser dès 2015 du blé génétiquement modifié, matière première australienne dont dépend à 99% la Nouvelle-Calédonie…

L’association appelle ainsi à un vote rapide du texte ainsi qu’à une mise en œuvre effective dans les plus bref délais [4]. Elle a également interpellé les candidats aux élections municipales en leur rappelant le rôle qu’ils peuvent jouer notamment par le biais des cantines scolaires en s’orientant vers des produits sans OGM. Initialement prévue dans le projet de réglementation, l’information obligatoire dans la restauration collective (restaurant et cantine) a finalement été rayée du texte, s’alignant ainsi (par le bas) sur la réglementation européenne…

Forte de son expérience, l’association STOP OGM Pacifique essaye désormais de mettre en place un réseau dans le Pacifique, pour aider les territoires qui se retrouvent dans une situation similaire à celle de la Nouvelle-Calédonie : pas de réglementation sur les OGM et une forte dépendance aux importations en provenance de pays producteurs d’OGM. L’association a ainsi rencontré de nombreux pays – Fidji, Vanuatu, les Îles Salomon, Wallis-et-Futuna – pour les sensibiliser à la question des OGM et apporter les premières pierres à l’émergence d’une réglementation similaire… L’association se rapproche également d’associations australiennes qui militent pour une agriculture sans OGM, et a pour objectif de mettre sur pied une base de données régionales dont les premiers résultats devraient être présentés lors du sommet Oceania 21 en juillet 2014. L’étiquetage de l’alimentation est un premier pas pour l’information du consommateur, encore faut-il que ce dernier ait un véritable choix par un accès à des produits « sans OGM ». Pour cela, une filière sans OGM doit perdurer dans les pays exportateurs de denrées alimentaires… L’association a donc encore beaucoup de travail devant elle.

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