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BRESIL – Herbicides et OGM : le grand ménage ?

Par Christophe NOISETTE

Publié le 07/04/2014

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Le 24 mars 2014, le procureur fédéral du Brésil a déposé deux injonctions en justice pour suspendre plusieurs autorisations d’herbicide (dont le glyphosate) en attendant leur ré-évaluation.

Le procureur (ou ministère public) fédéral du Brésil a déposé le 24 mars 2014 deux injonctions en justice [1] concernant l’utilisation de plusieurs herbicides. Dans la première injonction, il exige de l’Agence nationale de surveillance sanitaire (ANVISA) de réévaluer la toxicité de huit composants chimiques, susceptibles, écrit-il, « de provoquer des dommages à la santé humaine et à l’environnement ». Il s’agit du glyphosate, l’agent actif de l’herbicide Roundup, et de sept autres molécules [2]. Et, dans l’attente des conclusions de cette Agence, d’en suspendre les autorisations commerciales. Dans une deuxième injonction, le procureur fédéral demande d’une part d’établir un moratoire sur un autre herbicide (non encore autorisé) : le 2,4-D ; et d’autre part, demande à la Commission nationale de biosécurité de ne pas autoriser les plantes génétiquement modifiées (PGM) pour tolérer ce dernier herbicide (dont la composition est proche de celle de l’agent orange, le défoliant utilisé pendant la guerre du Viêt-nam, peut-on lire dans son communiqué de presse) [3].

Le ministère public précise aussi que plusieurs de ces molécules ont été interdites dans l’Union européenne, aux États-Unis ou en Chine.

Le procureur fédéral souligne que l’ANVISA avait reconnu, en 2008 dans une résolution (RDC 10/2008) que huit autres molécules devaient faire l’objet d’une réévaluation. Six ans plus tard, six d’entre elles ont effectivement été prises en compte : quatre (le trichlorfon, l’endosulfan, le méthamidophos et le cyhexatin) ont été interdites nationalement, le phosmet a été classé comme « extrêmement toxique » et le dernier, l’écaphate, s’est vu imposer des restrictions d’usage plus drastiques. Cette action du procureur vise donc à accélérer les procédures de réévaluation des molécules destinées à l’agriculture. Il précise : « si on trouve les mêmes proportions de résultats que dans les évaluations précédentes, vraisemblablement, environ les deux tiers (des ingrédients réfutés dans l’action du procureur) seront aussi bannis du pays à cause du risque et du degré élevés de toxicité ».

De même, en décembre 2013, le ministère public avait déjà demandé à la CTNBio (organe scientifique consulté pour l’autorisation des OGM) d’attendre les conclusions de l’ANVISA avant d’émettre un avis quant à l’autorisation des PGM tolérantes au 2,4-D. Or, le 13 mars, la CTNBio a donné son aval pour cette autorisation. Et c’est donc face à l’obstination de la CTNBio que le procureur a décidé de remettre cette décision dans les mains de la justice.

Étant donné que les plantes génétiquement modifiées cultivées au Brésil sont en grande majorité du soja Roundup Ready, c’est-à-dire qui tolère le Roundup, l’injonction du Procureur risque d’entraîner une forte diminution des ventes de ces semences transgéniques. Quel intérêt les agriculteurs auront-ils à acheter des semences GM plus chères s’ils ne peuvent les utiliser pour leur intérêt agronomique, à savoir pulvériser du Roundup sans se préoccuper de sa culture ?

[2le parathion methyl, le lactofen, le phorate, le carbofuran, l’abamectine, le tiram et le paraquat

[3Aux États-Unis, plusieurs PGM tolérant le 2,4-D sont en cours d’autorisation : Eric MEUNIER, « ETATS-UNIS – Dow AgroScience souhaite commercialiser des maïs et soja OGM tolérant l’herbicide 2,4-D », Inf’OGM, 28 mars 2014

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