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CHILI – OGM : un agriculteur, ruiné, gagne son procès contre Monsanto

Par Christophe NOISETTE

Publié le 31/01/2014

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Il s’appelle José Pizarro, il a 38 ans. En 2008, il loue 33 hectares pour cultiver, sous contrat avec l’entreprise Anasac [1], rachetée en 2009 en partie par Monsanto, du maïs génétiquement modifié. L’objectif est de multiplier des semences destinées à l’exportation. Mais ce contrat le ruine…

Au Chili, seules sont autorisées les cultures de PGM pour la production de semences. Ce sont environ 30 000 hectares qui sont consacrés à cette activité. Pour José Pizarro, la première année, c’est la lune de miel : les rendements sont bons et l’entreprise est satisfaite de cet « excellent producteur ». Monsanto paie tout : les semences, les intrants dont le Roundup, les frais de location du champ… En 2009, Monsanto a continué à offrir les semences, mais l’agriculteur doit prendre à sa charge l’ensemble des frais liés aux intrants et l’entreprise lui impose d’utiliser ses machines pour semer et appliquer les traitements phytosanitaires. Au niveau technique agronomique, Pizarro suit à la lettre les consignes qu’il reçoit : il doit semer dans le même champ des semences de maïs transgéniques résistantes au glyphosate (rangée de semences femelles), et des semences hybrides de maïs dans une certaine proportion. Le croisement de ces deux variétés produit la semence GM destinée à l’exportation. Ceci est un travail classique de multiplication. Mais Pizarro est déçu du rendement, il considère que les instructions fournies n’étaient pas de bonne qualité. Et le contrat stipulait qu’il serait payé en fonction du résultat et des rendements des autres multiplicateurs sous contrat. Or, avec une récolte médiocre, il a été très peu payé. Pizarro estime n’avoir pas reçu les mêmes instructions que les autres agriculteurs engagés dans la production de semences transgéniques : en effet, alors que l’Anasac avait demander à Pizarro de semer quatre rangées de maïs transgénique pour une de conventionnelle, elle avait demandé aux autres de semer dans une proportion de quatre pour deux… Par ailleurs, l’entreprise exige qu’aucun champ de maïs conventionnel ne soit cultivé autour du champ de multiplication, afin de garantir une pureté des semences produites. Or, le voisin de Pizarro a décidé de cultiver du maïs conventionnel après la mise en culture du champ GM et l’Anasac a exigé que Pizarro règle ce problème. Le voisin n’a rien voulu savoir, et l’Anasac a alors conseillé à Pizarro de pulvériser ce champ avec du Roundup, ce qu’il n’a pas voulu faire. Mais il a essayé de castrer ce champ, de nuit…

Ainsi, en 2010, quand il a compris qu’il allait être très mal payé de son travail, il a refusé ce paiement et a porté plainte contre l’Anasac (et donc Monsanto) auprès de la Chambre de commerce pour « violation de contrat » [2]. Le juge en charge du dossier, Francisco Gazmuri Schleyer, a donné raison à Pizarro, et a exigé que l’entreprise l’indemnise à hauteur de 37 millions de pesos chiliens (soit près de 50 000 euros), ce qui ne couvre même pas les frais de justice engagés par l’agriculteur. La cour d’Appel a rejeté le recours formé par l’entreprise et a donc confirmé en septembre 2013 ce premier jugement. L’entreprise a fini par régler cette amende fin décembre 2013, sans que cela ne recouvre les autres frais engagés par Pizarro (location, produits, personnel…), qui se retrouve dans une situation économique délicate.

En septembre 2013, Maria Elena Rozas, coordinatrice du Réseau Action Pesticides au Chili [3], soulignait ainsi : « Cet agriculteur ne savait pas exactement ce qu’il plantait, il n’avait aucune idée de ce qu’était une semence génétiquement modifiée (…). Il a été contraint d’utiliser de façon intensive plus de dix pesticides dangereux et nuisibles pour la santé ou l’environnement. Il nous a expliqué que d’autres producteurs ont également eu des problèmes avec Monsanto, mais ils ne se sont pas tournés vers la Chambre parce que c’était trop cher ».

[1Agrícola Nacional S.A.C

[2affaire n°1385-11

[3La Red de Acción en Plaguicidas y sus Alternativas de América Latina (RAP-AL), http://www.rap-al.org/

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