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États-Unis – Les OGM seront exclus des zones protégées en 2016

Par Pauline VERRIERE

Publié le 28/08/2014

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La culture d’OGM et l’utilisation de pesticides sont-elles compatibles avec les réserves naturelles ? L’administration américaine a permis pendant de nombreuses années l’utilisation d’OGM et de pesticides par les agriculteurs présents dans ces zones « protégées » sans qu’aucune étude d’impact sur la biodiversité ne soit réalisée. Des associations de protection de l’environnement [1] ont mené de nombreuses campagnes de sensibilisation et autres procédures judiciaires pour exclure ces pratiques qu’elles jugent incompatibles avec les objectifs de protection de la biodiversité sur ces territoires. En juillet 2014, le service en charge des réserves naturelles a annoncé l’exclusion progressive des OGM et des néonicotinoïdes de ces territoires particuliers. Une première victoire pour les associations, qui demandent néanmoins des mesures plus fortes.

Une victoire en demi-teinte

Aux États-Unis, une partie des réserves naturelles (National Wildlife Refugee) et des zones humides protégées (Wetland Management District), peut être louée pour être exploitée par des agriculteurs. Cette location fait alors l’objet d’un accord particulier entre la US Fish and Wildlife Service’s, l’administration en charge des aires protégées, et les agriculteurs. Jusqu’à présent, ces derniers étaient autorisés à cultiver des OGM et utiliser de nombreux pesticides sur ces terres.

Dans la réglementation étasunienne sur les aires protégées [2], rien n’interdit l’utilisation des OGM ou des pesticides. Leur utilisation est cependant soumise à une étude d’impact et doit être reconnue officiellement comme étant compatible avec les objectifs de l’aire protégée.

Du point de vue de plusieurs associations de protection de l’environnement, ces pratiques agricoles sont incompatibles avec l’objectif de protection de la biodiversité. Elles ont donc déposé, le 27 août 2013, un recours contre la US Fish and Wildlife Service’s en charge des zones protégées de la région des Grands Lacs, dans le nord des États-Unis [3]. Leur principal reproche : l’absence totale d’études d’impacts pourtant obligatoires. Dans l’attente que soient conduites de telles études, les associations demandent l’arrêt des cultures d’OGM et de l’utilisation des pesticides.

Les associations n’en sont pas à leur coup d’essai, il s’agit là du 5° procès du genre lancé par elles aux États-Unis, pour obliger l’administration à mener ces études d’impact et à interdire la culture des OGM dans une quarantaine de zones protégées [4].

Plusieurs décisions judiciaires leur ont déjà donné raison, obligeant l’administration en charge de ces zones (U.S. Fish and Wildlife Service – FWS) à interdire OGM et pesticides dans plus de la moitié des États étasuniens. Fortes de ces victoires, les ONG demandaient la généralisation de ces interdictions. Elles ont finalement été actées par le FWS le 17 juillet 2014 [5], première agence fédérale à restreindre l’utilisation des OGM et néonicotinoïdes aux États Unis.

Aux États Unis, dans ces zones protégées, les agriculteurs sont supposés agir directement auprès de la faune sauvage et mettre à sa disposition des ressources alimentaires en laissant 20% de leur récolte sur place. De ce fait, les animaux sauvages se retrouvent à manger des OGM… Et certains de croire que sans cette source d’alimentation GM, leur avenir serait menacé.

Mais le FWS estime avoir démontré ces deux dernières années la capacité à atteindre les objectifs de protection de la biodiversité sans l’utilisation d’OGM. Il justifie ainsi sa décision : il n’est dès lors plus pertinent de dire que cette protection serait impossible sans les OGM !

Cette interdiction sera progressive et ne sera définitive et totale qu’en janvier 2016. Dans ce laps de temps, la FWS continuera d’homologuer au cas par cas de façon temporaire l’utilisation d’OGM dans les zones protégées s’ils s’avèrent nécessaire à la protection de l’environnement et des espèces sauvages.

Une victoire partielle donc pour les associations, qui maintiennent leur demande d’une interdiction sans exception et immédiate.

OGM et protection de la biodiversité dans le monde

Rappelons qu’en France, la culture des OGM n’est pas non plus interdite globalement dans les zones protégées. Cependant, parcs nationaux et parcs naturels régionaux (PNR) peuvent prévoir cette exclusion, mais cela doit être inscrit dans leur charte. Pour la mettre en œuvre sur tout ou partie de leur territoire, il faut également obtenir l’accord unanime des exploitants agricoles présents sur la zone en question [6]. Deux conditions pas forcément simples à cumuler…

De même, au niveau de l’UE, il n’y a pas d’interdiction de principe des cultures d’OGM dans les zones Natura 2000, réseau écologique au niveau européen. C’est ce que rappelle la Commission européenne dans une récente réponse apportée à une question posée par l’euro-députée Sandrine Bélier [7] : « Les États membres ont l’obligation de garantir que les espèces et les habitats naturels pour lesquels ces sites ont été désignés soient maintenus ou rétablis dans un état de conservation favorable. La question de savoir si les OGM sont autorisés sur les sites Natura 2000 devrait donc être abordée en fonction de ces critères ». La Commission rappelle que « la proposition de règlement de la Commission modifiant la directive 2001/18/CE sur les OGM, encore en cours d’examen par le législateur, permettra aux États membres de restreindre ou d’interdire la culture d’OGM sur leur territoire pour des raisons légitimes autres que celles liées aux risques pour la santé humaine ou animale et l’environnement. Les États membres sont autorisés à adopter des mesures de protection de l’environnement plus strictes s’ils le souhaitent, pour autant qu’elles soient compatibles avec les traités de l’UE ».

Au niveau international, la Convention Ramsar sur la protection des zones humides recommande «  l’usage de variétés de riz sélectionnées de manière classique offrant une résistance aux ravageurs ». Elle affirme ainsi que les variétés GM ne sont pas compatibles avec l’objectif de protection de ces zones sensibles [8]. Lors des négociations internationales autour de cette résolution, les États-Unis plaidaient pour l’utilisation, dans les zones humides, de « de variétés de riz résistantes aux nuisibles et à l’utilisation des pesticides à risques réduits »… ou plus clairement des OGM. 

[1Center for Food Safety, Public Employees for Environmental Responsability, Sierra Club, Beyond Pesticides

[2National Environmental Policy Act, Refugee Improvement Act

[3Les zones protégées étasuniennes sont regroupées au sein de huit régions. Le recours déposé par les associations porte sur la région 3 qui regroupe les États de l’Illinois, l’Indiana, l’Iowa, le Michigan, le Missouri, le Minnesota, l’Ohio et le Wisconsin. Pour en savoir plus sur ces huit régions : http://www.fws.gov/where/

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