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AFRIQUE DU SUD – OGM : le foreur du maïs fait de la résistance

Par Eric MEUNIER

Publié le 13/09/2013

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Il s’appelle le foreur du maïs, de son nom latin Busseola fusca. Si cet insecte intéresse aujourd’hui les entomologistes, ce n’est pas seulement parce qu’il fait partie des insectes qui ont développé une résistance à certaines plantes génétiquement modifiées (PGM) qui, à l’instar du maïs MON810, produisent une protéine insecticide. C’est surtout parce que cette résistance s’est développée au champ plus rapidement que prévu. Une étude scientifique vient de fournir une explication à cette rapidité d’apparition [1].

En 2007, une étude scientifique rapportait qu’en Afrique du Sud, huit années après la première mise en culture du maïs MON810, un lépidoptère, Busseola fusca, était devenu résistant à la protéine Cry1Ab, produite par le maïs transgénique MON810, pourtant censée le tuer. D’autres cas de résistance à certaines protéines Cry ont depuis été recensés [2], mais celui-ci se distingue par deux caractéristiques : son apparition au champ et sa dissémination assez rapide.

Des chercheurs de l’institut de recherche pour le développement (IRD) en France et de la North-west University en Afrique du Sud ont étudié de plus près ce petit papillon. Et leurs résultats, bien que concernant un cas précis et non tous les insectes, sont assez étonnants. De fait, les chercheurs ont montré que, lors d’un croisement, il suffit que le mâle ou la femelle soit résistant pour que toute la descendance soit également résistante à la protéine Cry1Ab (dans un tel cas de figure, on dit alors que le caractère de résistance est dominant). Surprise des chercheurs, puisque jusqu’à présent, on pensait que ce caractère était récessif, c’est-à-dire qu’il fallait que le mâle et la femelle soient tous les deux résistants pour que leur descendance le soit aussi. La dominance de la résistance explique qu’au sein de la population de Busseola fusca, cette capacité à se développer sur les maïs MON810 soit apparue plus rapidement.

Pour les chercheurs, ce résultat oblige donc à revoir « les stratégies de gestion des résistances de Busseola fusca au maïs Bt [qui] doivent maintenant intégrer cette résistance [dominante] ». Car il s’agissait classiquement, dans le cas des cultures de PGM produisant une protéine insecticide, d’allouer un certain pourcentage de la surface semée à des plantes non productrices de toxines, généralement entre 5% et 10%. L’idée de cette stratégie, dite de zone refuge, est qu’une fraction d’individus sensibles puissent survivre dans les zones refuges au voisinage des champs de PGM. Ainsi, et en supposant une résistance récessive, un individu sensible, en se croisant avec un individu résistant, aurait eu une descendance sensible qui aurait donc succombé au contact de la PGM. Mais pour que cette stratégie fonctionne, encore faut-il que le caractère de résistance soit effectivement récessif et non dominant. Et dans le cas de Busseola fusca en Afrique du Sud, les chercheurs viennent donc de montrer l’inverse : la stratégie n’est donc plus valable, mais Monsanto a plus d’une plante Bt dans son sac. D’après Haidee Swanby du Centre africain pour la Biosécurité, les semences de maïs MON810 ne sont plus commercialisées depuis 2011, «  Monsanto ayant fait le choix de les remplacer par des semences de maïs produisant deux protéines insecticides Cry  » [3].

Même si cette étude pose question sur certains aspects, ce travail apporte (…) enfin, une explication à l’apparition et la dissémination rapide de la résistance à la protéine Cry1Ab chez Busseola fusca », comme nous le précise Denis Bourguet, généticien des populations à l’Inra. Mais de souligner : « il faut être prudent à ne pas généraliser ces résultats à tous les insectes et à toutes les cultures. La stratégie de la zone refuge reste valable pour d’autres insectes ravageurs comme la pyrale du maïs, autre cible du MON810 ». Pour le chercheur de l’Inra, le principal souci vient du fait qu’on « utilise des variétés produisant des protéines insecticides, efficaces à certains endroits contre certains insectes, dans d’autres endroits, contre d’autres insectes. Les insectes n’ayant pas nécessairement les mêmes caractéristiques écologiques et génétiques, ça peut effectivement déraper ». Il faudrait donc réfléchir au cas par cas l’utilisation des technologies disponibles. Une prudence scientifique qui risque de ne pas correspondre aux ambitions commerciales des entreprises qui souhaitent qu’un caractère transgénique soit adaptable à toutes les situations pour être proposé à la vente dans le monde entier.

[1« Dominant inheritance of field-evolved resistance to Bt corn in Busseola fusca », P. Campagne et al., Plos One, 2013, july, Vol8, Issue7

[3Source Inf’OGM

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