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L’Italie ne peut pas interdire la culture des OGM, estime la CJUE

Par Christophe NOISETTE, Pauline VERRIERE

Publié le 15/05/2013

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Le 8 mai 2013, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu une ordonnance portant sur le droit des États membres à soumettre la culture d’un OGM à une autorisation nationale préalable, alors même que ce dernier a été autorisé légalement au niveau européen. C’est la deuxième fois que la Cour est appelée à se prononcer sur cette question, et c’est encore la loi italienne sur les OGM qui est en cause.

Au printemps 2010, un agriculteur italien, Giorgio Fidenito, décide de semer du maïs MON810, l’une des deux variétés génétiquement modifiées autorisées à la culture au sein de l’Union Européenne. L’arrêt de la CJUE rappelle le contexte : « M. Fidenato est poursuivi devant le Tribunal de Pordenone pour avoir mis en culture au cours du printemps 2010 une variété de maïs génétiquement modifiée, à savoir la variété MON 810, sans avoir obtenu l’autorisation visée à l’article 1er, paragraphe 2, du décret législatif n° 212/2001 » [1], lequel stipule clairement « la mise en culture des produits semenciers […] est soumise à autorisation par acte du ministre des Politiques agricole et forestière, pris en accord avec le ministre de l’Environnement et le ministre de la Santé, adopté sur avis de la [commission pour les produits semenciers de variétés génétiquement modifiées], dans lequel sont fixées les mesures aptes à garantir que les cultures dérivant de produits semenciers de variétés génétiquement modifiées n’entrent pas en contact avec les cultures dérivant de produits semenciers traditionnels et ne provoquent pas de dommage biologique à l’environnement immédiat, compte tenu des particularités agro-écologiques, environnementales et pédoclimatiques ». En première instance, en appel ou en cassation, la Justice italienne avait affirmé « que la mise en culture des semences de maïs génétiquement modifié en cause sans disposer de l’autorisation requise par l’article 1er, paragraphe 2, du décret législatif n° 212/2001 constituait le délit ». Toutefois, le juge relevait « une contradiction apparente […] entre l’arrêt de la Cour suprême de cassation (comme en France, la dernière instance judiciaire nationale) du 15 novembre 2011, confirmé par un arrêt de cette juridiction du 22 mars 2012, et l’arrêt de la Cour [de Justice de l’UE] du 6 septembre 2012, concernant Pioneer Hi Bred Italia (C-36/11). Ainsi, le Tribunal de Pordenone « a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour [de Justice de l’UE] les questions préjudicielles » [2].

L’Europe interprète le droit italien en faveur des cultivateurs d’OGM

Le tribunal italien demande donc à la CJUE si, sur cet aspect, le droit italien est compatible avec le droit européen encadrant les OGM. Antonio Onorati, membre fondateur de l’association Crocevia, et qui a participé à l’élaboration de cette loi, nous précise qu’elle avait été notifiée à la Commission européenne qui l’avait alors acceptée sans modification… Il remet en cause l’interprétation de la CJUE, comme nous allons le voir ci-dessous.

La CJUE qui avait déjà répondu lors d’une affaire précédente [3], reprend ici l’argumentaire qu’elle avait développé. La procédure nationale d’autorisation italienne n’est pas compatible avec le droit européen, puisque « la mise en culture de variétés du maïs MON 810 autorisées en vertu de l’article 20 du règlement n° 1829/2003 et inscrites au catalogue commun en application de la directive 2002/53 ne saurait être soumise à une procédure nationale d’autorisation  ». Pour Antonio Onorati, cet argument est fallacieux. La loi italienne, nous précise-t-il, ne double pas la procédure d’autorisation européenne, mais elle la conditionne en établissant des règles qui doivent être mises en œuvre avant toute mise en culture de PGM, afin de s’assurer que ces cultures n’auront pas d’impacts négatifs sur le système agraire national.

Le droit européen, précise la CJUE, permet aux États de « prendre des mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres produits » (article 26bis de la directive 2001/18). Mais la CJUE précise que « une telle procédure nationale d’autorisation ne saurait être considérée comme constituant une restriction, voire une interdiction géographiquement délimitée au sens de la jurisprudence rappelée au point 24 de la présente ordonnance » et « Une procédure d’autorisation de la mise en culture desdites variétés de maïs ne saurait donc en elle-même constituer une mesure de coexistence au titre de l’article 26 bis de la directive 2001/18 ».

C’est donc maintenant au tribunal italien de mettre en œuvre cette décision. L’Italie fera-t-elle à nouveau la sourde oreille à cette interprétation de la CJUE du droit européen ?

L’Italie a pourtant l’obligation selon le droit européen de respecter cette décision, puisque c’est bien la CJUE qui est compétente pour interpréter le droit européen, et non les tribunaux nationaux. L’Italie pourrait se voir obliger de réparer les dommages causés par la violation du droit européen par toute personne qui s’estimerait flouée par ce non respect. Une obstination qui pourrait lui coûter cher…

Reste la mesure d’urgence

Rappelons que les États membres peuvent aussi interdire une autorisation européenne, en déposant soit une clause de sauvegarde (l’article 26bis de la Directive 2001/18 permet aux États de « prendre des mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres produits »), soit une mesure d’urgence (article 24, règlement 1829/2003). L’Italie est d’ailleurs sur le point de déposer une mesure d’urgence pour interdire le maïs MON810 [4].

[1Ce décret transcrit en droit italien la directive européenne 98/95 et 98/96

[2Il s’agit de la possibilité pour une cour de justice nationale, de poser à la CJUE une question sur l’interprétation du droit européen relatif à l’affaire qu’elle est en train d’examiner.

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