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ETATS-UNIS – Autorisation d’un maïs GM tolérant la sécheresse

Par Christophe NOISETTE, Eric MEUNIER

Publié le 28/03/2012

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En décembre 2011, Monsanto et BASF ont obtenu du ministère étatsunien de l’agriculture l’autorisation de commercialiser un maïs transgénique, baptisé MON87460, modifié pour tolérer la sécheresse [1]. La modification effectuée par transgenèse consiste à faire exprimer par le maïs une première protéine appelée Cold Shock Protéine B (CspB), ainsi qu’une autre lui permettant de résister aux antibiotiques à base de néomycine ou kanamycine. La protéine CspB doit rendre la plante résistante à un stress hydrique et permettre de réduire la perte de rendement par rapport à un maïs conventionnel dans des conditions de faible pluviométrie.

En Europe, l’entreprise est également en attente d’une autorisation commerciale pour l’importation, la transformation, l’alimentation humaine et animale mais pas la culture. Le dossier a été déposé en 2009 sous la référence DE/2009/70 [2]. Selon le ministère étatsunien, cette décision a été prise aux États-Unis après évaluation de données fournies par Monsanto et consultation du public. Mais en France, le comité d’experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) , dans son avis du 20 avril 2010, a considéré que le dossier était incomplet sur la question des impacts sanitaires : non respect d’un protocole OCDE pour les analyses de toxicologie et manque d’informations pour les analyses de nutrition. Il est à noter qu’aux Etats-Unis, les analyses sur plante entière telles que requises par l’OCDE n’ont pas été fournies par Monsanto. Seuls les résultats de la comparaison de composition de ce maïs par rapport à un maïs conventionnel ont été donnés, ainsi qu’une évaluation de la toxicologie des seules protéines transgéniques.

45000 personnes contre l’autorisation, 21 pour : l’OGM est autorisé !

Concernant la consultation du public, le ministère étatsunien dit avoir reçu 250 commentaires. 21 étaient en faveur de l’autorisation et 229 étaient contre [3]. Le ministère précise que parmi ces 229 commentaires, trois étaient le relais d’un total de 45 577 commentaires exprimés sous forme d’une lettre cosignée par 6355 personnes, 16742 lettres identiques et un document comportant 22500 commentaires. Le ministère explique avoir répondu à l’ensemble des objections dans son évaluation de ce maïs…

Surtout, concernant les caractéristiques agronomiques, l’Anses relativise la tolérance de ce maïs, l’étude de ses caractéristiques montrant que « en cas de stress hydrique modéré mais entraînant une perte importante de rendement, il semblerait que le maïs MON87460 puisse limiter cette perte. En cas de stress hydrique fort, MON87460 est aussi sensible au stress que les plantes non transformées  ». Une rhétorique qui confirme celle de Monsanto elle-même dans le dossier de demande d’autorisation [4]. L’USDA modérait aussi les propos de Monsanto. Dans un document publié en novembre 2011 (environmental assessment), l’USDA soulignait que lors des essais en champ de ce maïs MON87460 réalisés pour obtenir l’autorisation fédérale, les performances observées variaient énormément en comparaison avec celles des variétés conventionnelles hybrides. Dans certains cas, des améliorations de rendements ont été observées, jusqu’à 35% de plus, alors que dans d’autres cas, les variétés conventionnelles résistaient mieux au manque d’eau. En page 33 du rapport on peut lire que la modification génétique « n’excède pas les variations naturelles observées avec des variétés conventionnelles de maïs adaptées régionalement. Et des variétés comparables produites par des techniques classiques de sélection sont facilement disponibles dans les régions de production de maïs irrigué ».

Des résultats peu probants…

Monsanto, pour sa défense, a expliqué que les essais « règlementaires » étaient réalisés avec une seule variété de maïs. Ainsi, avant de mettre cette nouvelle PGM sur le marché, l’entreprise déclinera cette modification génétique dans plusieurs variétés.

L’USDA souligne aussi que ce maïs est destiné uniquement à combler des faibles déficits de pluviométrie. Ainsi, elle estime que ce maïs ne serait utile que pour une petite fraction de la sole de maïs, environ 15%. Ainsi, l’USDA conclut que du fait des faibles améliorations apportées par ce maïs, cette autorisation ne devrait pas entraîner une augmentation des cultures de maïs.

Pour 2012, Monsanto a annoncé une introduction progressive de ce maïs auprès des agriculteurs étatsunien, en commençant dans la plaine du Grand Ouest. Si l’entreprise est en première ligne pour ce maïs, elle rappelle dans son communiqué de presse qu’il est le fruit d’une collaboration avec l’entreprise allemande BASF [5].

Mais des alternatives à ce maïs existent. Pioneer Hi-Bred offre désormais dans les États du Texas, du Colorado, du Kansas et du Nebraska, un maïs capable de survivre à une pluviométrie réduite, mais sans génie génétique, le maïs Optimum AQUAmax. D’après des essais en champ réalisés en 2011, cette variété de maïs permettrait une augmentation de rendement de 5% par rapport aux variétés phares de maïs actuellement sur le marché, précise l’entreprise citée par l’USDA (p.59).

… mais un OGM qui va sauver l’Afrique !

L’Union of Concerned Scientists, et notamment Doug Gurian-Sherman [6], précise que ce maïs ne sera pas une panacée pour les agriculteurs qui souffrent d’une sécheresse importante comme en a connue le sud-ouest des États-Unis en 2011. Par ailleurs, ce maïs ne devrait pas permettre d’économiser de l’eau, comme le soutient Monsanto. En effet, les agriculteurs irrigueront comme d’habitude, ce maïs étant là pour pallier des faibles variations de pluviométrie et non pas pour pousser dans le désert. « L’industrie biotechnologique a travaillé sur des cultures tolérantes à la sécheresse ou permettant d’économiser de l’eau depuis plus d’une décade et les résultats jusqu’à présent, bien qu’utiles, sont décevants par rapport aux techniques conventionnelles comme la sélection classique (breeding). Tout au plus cette culture est un pis-aller, mais en aucun cas un remède ». Bien entendu, le communiqué de presse de Monsanto insiste sur le fait que ce maïs sera bientôt dans les champs africains…

Pour lutter contre le changement climatique et les aléas du climat, ce n’est pas une ou plusieurs nouvelles variétés transgéniques qu’il faut mettre sur le marché, mais c’est une nouvelle façon de concevoir l’agriculture qui est en jeu. La qualité du sol influence largement la capacité des plantes à produire des racines profondes, moins sujettes à la sécheresse. Comme souvent, une technique seule ne peut rien. Monsanto le souligne elle-même dans un communiqué. Pour l’entreprise « la modification génétique sera plus efficace combinée avec une amélioration de la sélection et des pratiques agronomiques ».

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