n°108 - janvier / février 2011

France – PGM et espaces protégés : des pistes mal balisées

Par Pauline VERRIERE

Publié le 21/01/2011

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Alors que s’engage en Europe une réflexion sur la nationalisation des interdictions de cultures de PGM, il existe déjà des instruments nationaux, dans différents pays européens, qui permettent de créer des espaces sans PGM [1]. Ainsi en France, la possibilité d’exclure les cultures GM de certains espaces protégés a été créée par la Loi de 2008 relative aux OGM [2].

Lieu privilégié de la protection de la biodiversité, les espaces protégés doivent encadrer la cohabitation entre l’Homme et la nature. Essentiellement en milieu rural, ils concilient notamment agriculture et impératif de protection, où la question des OGM a toute sa place.

Espaces protégés et cultures GM

C’est dans cette perspective que la Loi de 2008 (codifiée sur cette question à l’article L. 335-1 du Code de l’environnement) a créé, dans les Parcs Nationaux (PN) et les Parcs Naturels Régionaux (PNR), la possibilité d’exclure la culture des PGM sur « tout ou partie de leur territoire », sous deux conditions cumulatives : elle doit être prévue par la charte du parc et « l’accord unanime des exploitants agricoles concernés » doit être obtenu.

La Charte d’un PN ou PNR est le document qui fixe les orientations de protection et de mise en valeur du territoire. Adopté par décret au terme d’un processus de plusieurs années [3], qui implique notamment une enquête publique [4], ce document est pourtant dépourvu de portée normative [5]. Il ne peut créer des obligations sur le territoire qu’il couvre. D’où la nécessité de l’accord unanime des exploitants concernés, afin qu’ils ne soient pas liés à une obligation à laquelle ils n’auraient pas eux-mêmes consenti.

Une mise en œuvre de l’exclusion des PGM

La rédaction de l’article L. 335-1 ne donne aucune précision sur ce qu’il faut entendre par « accord unanime des exploitants concernés ». Jusqu’à plusieurs centaines d’exploitants peuvent être regroupés sur le territoire d’un même parc. Un seul exploitant, par son refus, serait donc suffisant pour bloquer un projet, même majoritairement soutenu par le reste des exploitants et par la population locale. De même, l’arrivée d’un nouvel exploitant pourrait-elle remettre en cause une unanimité déjà constatée ? Le Code de l’environnement ne donne pas non plus d’information sur les modalités exactes de constatation de cet accord, ni même s’il doit être renouvelé périodiquement. De nombreuses questions se posent donc face à la mise en œuvre de cet article. Interrogé plusieurs fois par les députés [6], le gouvernement n’a pas apporté de détails et rappelle que « la loi ne prévoit pas de texte d’application visant à préciser les modalités d’application de cette disposition ». Reste donc aux parcs à créer les conditions d’application de l’article L. 335-1 et aux juges d’établir une jurisprudence en la matière.

L’expérience du PNR des Monts d’Ardèche

De nombreux parcs sont actuellement en cours de révision de leur Charte. Ce long processus débouche sur un texte non modifiable pendant douze ans. La question de la culture des PGM est souvent prise en compte dans ces chartes révisées, sous diverses formulations, plus ou moins strictes quant à l’objectif d’exclusion des PGM (cf. encadré).

Néanmoins, peu d’entre eux pour le moment ont réfléchi à la mise en œuvre de la clause de l’unanimité. Un seul PNR, à ce jour, a effectivement utilisé la possibilité offerte.

Le PNR des Monts d’Ardèche, grâce à l’appui de la chambre d’agriculture, a ainsi décidé d’exclure la culture des PGM. C’est par une délibération de la chambre d’agriculture, composée des représentants élus de l’ensemble des acteurs du monde agricole au niveau du département, que l’accord unanime a été constaté : il est en effet plus simple d’établir une unanimité entre les syndicats agricoles représentés, plutôt qu’entre les 2 500 exploitants professionnels et non professionnels que compte le PNR des Monts d’Ardèche.

L’initiative de ce PNR offre une interprétation de l’article L. 335-1 qui permet de mettre en œuvre rapidement et efficacement la condition d’unanimité, mais rien ne permet de dire aujourd’hui si elle serait validée par un juge, ou s’il retiendrait une lecture littérale de l’article. Sans le soutien de la chambre d’agriculture d’Ardèche, les responsables de cette initiative au sein du PNR admettent qu’il n’aurait pas été possible de réunir un tel accord. Suivant les syndicats présents à la chambre d’agriculture du territoire concerné, et leur sensibilité à propos des cultures GM, il sera plus ou moins facile de parvenir à l’unanimité requise, même avec un nombre restreint d’interlocuteurs. Une difficulté supplémentaire peut être envisagée pour les Parcs dont les territoires chevauchent plusieurs départements.

Le PNR du Queyras, dont la Charte est en cours d’adoption auprès du Ministre de l’environnement, envisage plus sereinement la question de l’unanimité. Ce parc situé en altitude n’est pas concerné par la culture des céréales, donc moins susceptible d’être touché par les PGM, et pense obtenir sans complication l’unanimité des 49 exploitants présents sur la zone. Réunis au sein du Groupe d’Agriculture Durable (GAD) dont l’adhésion est volontaire et qui regroupe également des acteurs du tourisme et élus locaux, ces agriculteurs sont sensibilisés à la protection de la biodiversité. Le Parc envisage, pour être conforme à la condition d’unanimité, de réunir les 49 exploitants et de faire voter l’interdiction des OGM parmi ceux qui seront présents, ou de faire voter l’unanimité par le GAD.

Devant la quasi impossibilité de réunir l’unanimité requise, il est plus que souhaitable que la jurisprudence valide l’interprétation du PNR des Monts d’Ardèche, pour ne pas faire de l’article L. 335-1 du Code de l’environnement, une disposition impossible à mettre en œuvre.

Les initiatives des parcs doivent donc se multiplier pour créer les conditions de mise en œuvre de l’article L. 335-1 du Code de l’environnement et parvenir à une solution validée par la jurisprudence.

Une autre possibilité pour limiter les cultures GM : la marque PNR

La marque PNR, qui ne constitue pas un signe de qualité au même titre qu’une AOC (appellation d’origine contrôlée), est une marque collective dont le Ministère en charge de l’environnement est le propriétaire. L’usage en est concédé à chaque PNR qui peut l’apposer sur certains produits issus de son territoire (miel, viande, légume…) et répondant à trois critères : territoire, environnement et dimension humaine. Chaque parc élabore ainsi par type de produit un cahier des charges, appelé là aussi Charte, validé par la Commission nationale de la marque, en vue d’une mise en cohérence. La volonté de cette commission, qui établit la position nationale, est d’exclure l’utilisation d’OGM dans l’élaboration des produits portants la marque PNR, précision faite dans chaque cahier des charges.

Dans les parcs où la condition d’unanimité semble plus difficile à obtenir, la marque PNR offre un pis-aller afin de sensibiliser les agriculteurs à la question des OGM tout en leur permettant de valoriser leur production par un signe distinctif. Toutefois, cette démarche ne règle pas la question de la coexistence entre les cultures GM et non GM. Si les deux types de cultures venaient à coexister au sein d’un même PNR, dès lors, quelles seraient les garanties pour que les produits labellisés PNR soient effectivement exempts d’OGM ?

[2Loi n°2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés

[3L’élaboration de la charte d’un PN est prévue aux articles R. 331-1 et suivants du Code de l’environnement (Co envir), et aux articles R. 333-5 et suivants du Code de l’environnement pour un PNR.

[4Sont soumis à enquête publique les projets de Charte des PNR (article L. 333-1 Co envir) ainsi que les projets de Charte des PN (article R. 331-8-3° Co envir).

[5Tribunal Administratif de Rouen, 22 septembre 1999, n°981642

[6Cf. notamment, sur le site http://questions.assemblee-nationale.fr, les question n°62661 de Pascal Terrasse, et n°61232 de Delphine Batho.

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