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2012 : la plus faible progression des cultures OGM depuis 1996

Par Christophe NOISETTE

Publié le 04/03/2013

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L’Isaaa annonce, pour l’année 2012, 170,3 millions d’hectares cultivés avec des plantes génétiquement modifiées (PGM), soit une progression de 6% par rapport à 2011 (160 millions d’hectares), contre des progressions annuelles à 10% et plus les années précédentes. C’est donc la plus faible progression (en %) depuis 1996. Si la surface couverte avec des PGM est importante, elle continue de ne représenter qu’un faible pourcentage des surfaces agricoles mondiales (entre 3 et 5% selon les sources [1]).

Deux réalités doivent clairement être présentées : ce sont toujours et encore les quatre pays américains – Etats-Unis, Canada, Brésil et Argentine – qui concentrent la plupart des cultures génétiquement modifiées dans le monde (83,4% des cultures GM). Et à eux quatre, ils totalisent 8,7 millions d’hectares en plus par rapport à 2011, soit 87% de l’augmentation des cultures GM. En réalité, le Brésil à lui seul représente plus des ¾ de l’augmentation des cultures GM entre 2011 et 2012. Les PGM se développent moins bien ailleurs. Globalement, ce sont les pays qui en cultivent beaucoup qui continuent de progresser, sans doute du fait d’une raréfaction (organisée, suggèrent certaines ONG) des semences non GM de soja, coton et maïs.

Précisons aussi que l’ensemble des chiffres fournis par l’Isaaa, à l’exception probable de l’Union européenne, sont des estimations, plus ou moins grossières, et non vérifiables. Et déjà contestées en Afrique du Sud par l’African Centre for Biosafety. Dans un communiqué de presse publié le 25 février, on apprend que selon les chiffres officiels du ministère de l’Agriculture, les cultures GM ont augmenté de 150 000 hectares pour le maïs et le soja (ensemble) et diminué de 3 000 hectares pour le coton. Or, l’Isaaa, sans vergogne, annonce une hausse de 600 000 hectares entre 2011 et 2012. Par ailleurs, l’Isaaa ne met jamais en perspective les chiffres annoncés. Or, en Afrique du Sud, la surface cultivée avec du maïs non GM a plus augmenté (+ 210 000 hectares) que celle cultivée avec du maïs GM. Ainsi, l’augmentation des cultures de maïs GM est liée à un assolement en maïs plus important.

En Inde, comment l’Isaaa peut-elle prétendre donner des chiffres précis sur les cultures GM étant donné l’absence de contrôle officiel, les mélanges de semences, et les nombreuses fraudes ? Comme nous l’écrivions déjà en 2009, quand on évoque des mauvais rendements du coton GM en Inde, les lobbies industriels n’hésitent pas à utiliser ces arguments, soulignant que « peu d’agriculteurs indiens cultivent des semences GM certifiées. Pourtant, ces agriculteurs sont quand même mentionnés dans le rapport annuel » (article3858).

Le rapport mentionne aussi deux nouveaux membres du club des transgéniculteurs : Cuba et le Soudan. Tout d’abord, soulignons que trois pays ont abandonné les cultures GM : la Suède, l’Allemagne et la Pologne et que d’autres, qui les avaient abandonnées précédemment comme l’Iran ou l’Indonésie, ne les ont pas reprises. Pour le Soudan, l’information est à prendre avec précaution. En effet, en juin 2012, le président du Bureau du Coton, Mohammed Osman Alsubaiey, déclarait à la presse soudanaise que du coton GM – dont les semences venaient de Chine – poussait illégalement et qu’aucune autorisation de mise en culture n’avait été délivrée par le conseil de la biosécurité. Dans cet article, il précise aussi que les cultures GM seraient « une grande menace pour les exportations ». Par ailleurs, le Soudan, à l’instar de nombreux autres pays d’Afrique, est actuellement courtisé pour ses terres par la Chine, la Corée et les États du Golfe. Il est difficile de savoir combien de milliers d’hectares ont d’ores et déjà été accaparés par des entreprises privées ou des États : plus de 3,4 millions d’hectares d’après l’ONG Grain. Étant donné que la Chine cultive du coton Bt depuis de nombreuses années, retrouver de telles cultures au Soudan ne devrait pas être trop surprenant…

Il est donc clair qu’il faut prendre les chiffres de ce rapport avec précaution, son objectif n’étant pas de produire une information objective et documentée, mais de montrer que les PGM sont LA solution.

Des erreurs qui en disent long

Dans le résumé du rapport, nous avons noté d’ores et déjà deux affirmations mensongères de l’Isaaa.

Cette organisation annonce que l’Embrapa, un institut de recherche public brésilien, a obtenu l’autorisation de commercialiser un haricot génétiquement modifié pour « résister » à un virus. Or, malgré un avis positif de l’agence brésilienne d’évaluation des PGM délivré en 2011, les ministères de tutelle n’ont pas (encore) accordé officiellement cette autorisation.

De même, l’Isaaa annonce l’autorisation programmée en 2014 dans l’Union européenne de la pomme de terre « Fortuna ». Or, BASF, l’entreprise qui a mis au point cette variété GM de pomme de terre, a annoncé, fin 2012, retirer toutes ses demandes d’autorisations.

Ces deux éléments peuvent paraître anecdotiques. Nous les avons relevés car ils sont en fait symptomatiques du travail de lobby et de désinformation de l’Isaaa.

Une classification malhonnête des pays

Le rapport de l’Isaaa annonce que « pour la première fois, les pays en développement (52% de la surface globale en PGM) ont cultivé plus de PGM que les pays industrialisés ». La classification par l’Isaaa entre pays industriel et pays en développement nous semble toujours aussi peu honnête intellectuellement. L’idée est bien entendu de faire croire que les PGM servent aux petits paysans pauvres, que donc c’est un outil formidable pour lutter contre la faim et la pauvreté. Cependant, en quoi un grand propriétaire terrien argentin ou brésilien est-il différent d’un grand propriétaire terrien nord-américain ? Pour tirer quelque conclusion que ce soit, il aurait fallu connaître le nombre d’hectares cultivés en PGM par des petits paysans et ceux cultivés par des agri-managers. La classification de l’Isaaa masque des réalités totalement hétérogènes. Les quatre pays qui cultivent le plus d’OGM sont des pays où la concentration des terres augmente au détriment de la petite paysannerie qui n’a souvent d’autres choix que l’exode rural. Est-ce ce modèle de société que nous souhaitons voir se répandre au niveau planétaire ?

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